mardi, 25 avril 2023
Les projets de double connectivité de l'Inde en Eurasie pourraient accélérer la dédollarisation
Les projets de double connectivité de l'Inde en Eurasie pourraient accélérer la dédollarisation
par Andrew Korybko
Source: https://www.ideeazione.com/i-progetti-di-doppia-connettivita-dellindia-in-eurasia-possono-accelerare-la-de-dollarizzazione/
La semaine dernière, plusieurs événements d'une grande importance pour la connectivité eurasienne ont échappé à la plupart des observateurs. Une délégation russe conduite par le vice-premier ministre Denis Manturov a conclu sa visite à Delhi, au cours de laquelle elle a exploré les possibilités de quintupler les exportations de l'Inde, un objectif précédemment déclaré par cette dernière. Cette visite a été suivie d'un protocole d'accord sur le transit et la coopération commerciale conclu à Moscou entre la Russie et l'Iran.
À la fin de la semaine, les compagnies ferroviaires de Russie, du Kazakhstan et du Turkménistan se sont mises d'accord sur leur propre mémorandum "pour mettre en place des tarifs compétitifs et un transport "sans rupture" des marchandises de [leurs pays] vers l'Iran, l'Inde et les pays du Moyen-Orient et de la région Asie-Pacifique". Le PDG du Fonds iranien de développement des transports a ensuite annoncé la possibilité d'investissements russes et indiens dans les infrastructures du pays.
Enfin, dimanche, le ministre indien des ports, de la navigation et des voies navigables, Sarbananda Sonowal, a inauguré à Chennai une série de projets qui, selon lui, renforceront le corridor maritime Vladivostok-Chennai (VCMC) avec la Russie. Ce développement s'ajoute aux précédents de la semaine dernière concernant les progrès sur le corridor de transport nord-sud (NSTC) entre la Russie, l'Iran, l'Asie centrale et, au moins officiellement, l'Azerbaïdjan également (à condition que les tensions régionales n'empêchent pas Bakou de jouer un rôle à l'avenir).
Ensemble, le NSTC et le VCMC représentent les deux projets de connectivité eurasienne non chinois les plus importants, qui visent à promouvoir l'intégration Sud-Sud afin d'éviter à titre préventif le scénario d'une dépendance potentiellement disproportionnée à l'égard de la République populaire. Toutes les parties entretiennent des liens commerciaux étroits avec Pékin, mais aucune d'entre elles ne souhaite que son rôle croissant dans les affaires économiques mondiales remplace celui, en déclin, de Washington. Ils souhaitent plutôt qu'il leur ouvre de nouvelles perspectives.
Les projets de double connectivité de l'Inde, qui intégreront le cœur de l'Eurasie par le biais du NSTC et feront de même avec le Rimland eurasien par le biais du VCMC (en gardant à l'esprit que le transit se fera par le biais de la puissance commerciale de l'ANASE), offrent une occasion unique d'accélérer les processus de multipolarité financière. Favoriser l'utilisation des monnaies nationales dans les échanges commerciaux par ces voies, au lieu de monnaies tierces telles que le dollar ou le yuan, peut jeter les bases d'une croissance exponentielle du commerce bilatéral au fil du temps.
L'Inde est actuellement la cinquième économie mondiale et est en passe de devenir la troisième d'ici la fin de la décennie, ce qui cadre parfaitement avec son rôle attendu de leader informel du Sud dans la trifurcation des relations internationales qui s'annonce. Sur le plan financier, l'internationalisation attendue de la roupie peut être facilitée en encourageant ses partenaires du NSTC-VCMC à utiliser le nouveau modèle de dédollarisation qu'il a lancé avec le Bangladesh la semaine dernière.
Comme le résume l'analyse hyperliée ci-dessus, "toutes les exportations du partenaire le plus petit dans un duo d'Etats donné seront dédollarisées, tandis que le partenaire le plus grand les compensera par ses propres exportations". Cette politique pragmatique garantit qu'il y a suffisamment de monnaie nationale en circulation pour répondre à leurs besoins minimaux en matière de commerce bilatéral, tout en maintenant une quantité confortable de dollars en circulation pour faciliter leurs échanges avec d'autres pays qui se sentent encore à l'aise avec le billet vert".
L'accélération susmentionnée des processus de multipolarité financière serait multipliée si ce modèle était utilisé par les partenaires du NSTC-VCMC de l'Inde au sein de l'ANASE, de l'Azerbaïdjan, des républiques d'Asie centrale (RCA), de l'Iran et de la Russie, sans parler de l'adhésion de la République de Corée (ROK) et du Japon. Ces deux pays peuvent rester réticents à commercer avec la Russie en raison des pressions exercées par leur protecteur américain, mais ils peuvent toujours dédollariser leur commerce avec l'Inde en exploitant la vision VCMC de cette dernière.
En ce qui concerne l'avenir, il y a de nombreuses raisons d'être optimiste quant à la dédollarisation du commerce en Asie, grâce au rôle intégral que l'Inde est prête à jouer à cet égard par l'intermédiaire du NSTC-VCMC. Bien sûr, il faudra beaucoup de temps avant que des progrès tangibles ne soient réalisés, mais les bases de ces progrès sont là pour tous, grâce aux développements de la semaine dernière. Les observateurs seraient donc bien inspirés de suivre cette tendance, qui fait partie des plus importantes tendances financières qui se développent aujourd'hui, même si c'est de manière graduelle.
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L'Inde introduit un modèle unique de dédollarisation
L'Inde introduit un modèle unique de dédollarisation
par Andrew Korybko
Source: https://www.ideeazione.com/lindia-sta-introducendo-un-modello-unico-di-de-dollarizzazione/
L'Inde et le Bangladesh ont convenu de dédollariser partiellement leurs échanges commerciaux selon un modèle unique qui pourrait devenir la norme mondiale dans un avenir proche. La totalité des 2 milliards de dollars d'exportations du Bangladesh vers l'Inde sera dédollarisée, tandis que l'Inde fera de même en dédollarisant un niveau équivalent de ses exportations vers le Bangladesh, d'une valeur d'environ 13,69 milliards de dollars. En d'autres termes, toutes les exportations du plus petit partenaire dans un duo d'Etats donné seront dédollarisées, tandis que le plus grand partenaire fera de même avec ses propres exportations.
Cette politique pragmatique garantit la circulation d'une quantité suffisante de monnaie nationale pour répondre aux besoins minimaux du commerce bilatéral, tout en conservant une quantité de dollars en circulation pour faciliter les échanges avec d'autres pays qui se sentent encore à l'aise avec le billet vert. C'est tellement simple que n'importe quel pays pourrait facilement imiter le modèle de ces deux pays, s'il en avait la volonté politique, ce qui est le cas d'un nombre croissant d'entre eux, après que les États-Unis ont utilisé le dollar comme arme contre la Russie l'année dernière.
À l'insu de la plupart des observateurs qui se concentrent exclusivement sur le rôle du yuan dans les processus de dédollarisation, la politique de commerce extérieur récemment dévoilée par l'Inde vise officiellement à internationaliser la roupie, une monnaie très prometteuse pour le rôle du pays en tant que cinquième économie mondiale. Ce n'est pas un hasard si l'Inde a choisi d'introduire son modèle unique de dédollarisation dans la région, car elle espère répandre l'utilisation de la roupie en Asie du Sud avant de le faire dans le reste du Sud mondial.
Cette démarche s'inscrit dans le cadre de la volonté de l'Inde de stimuler le commerce intra-régional, parallèlement à son ascension en tant que grande puissance d'importance mondiale. La Banque mondiale estime que ce chiffre n'est que de 23 milliards de dollars, soit un maigre 5 % comparé aux 25 % de l'ANASE. Si l'on se réfère aux statistiques citées précédemment, selon lesquelles le niveau du commerce bilatéral entre l'Inde et le Bangladesh est légèrement inférieur à 16 milliards de dollars au total (bien que d'autres sources affirment qu'il est supérieur à 18 milliards de dollars), cela signifie qu'au moins deux tiers du commerce intrarégional de l'Asie du Sud n'impliquent que ces deux pays.
Il est donc tout à fait logique que l'Inde dévoile d'abord son modèle unique de dédollarisation avec le Bangladesh, afin de le perfectionner avant d'étendre cette approche à l'ensemble de l'Asie du Sud et au-delà. D'autres pays feraient bien d'envisager de suivre l'exemple de l'Inde en dédollarisant partiellement leurs échanges avec leur partenaire régional le plus proche. Ce modèle pragmatique mérite d'être employé par le plus grand nombre de pays possible, car c'est lui qui a le plus de chances d'accélérer la multipolarité financière.
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lundi, 24 avril 2023
Le monde a décidé de se passer de l'Occident
Le monde a décidé de se passer de l'Occident
Entretien avec Gianandrea Gaiani
Source : Analisi Difesa & https://www.ariannaeditrice.it/articoli/il-mondo-ha-deciso-di-fare-a-meno-di-noi-come-occidente
Le nouvel ordre mondial américain est de plus en plus en crise et un nouvel ordre mondial est en train d'émerger. C'est l'objectif déclaré de Moscou et de Pékin: le ministre russe des affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a lui-même subordonné le processus de paix avec Kiev à l'installation d'un nouvel ordre mondial. Ce qui est étonnant, c'est que les eurocrates de Bruxelles restent obstinément aveugles. Le nouvel ordre n'est pas une simple hypothèse, mais est désormais une réalité en advenance, explique Gianandrea Gaiani, rédacteur en chef d'Analisi Difesa (https://www.analisidifesa.it/ ), faits à l'appui.
Pour la première fois, un navire russe a accosté en Arabie saoudite et a pu s'y ravitailler, peut-être aussi en raison de l'influence accrue des Chinois dans la région après leur médiation entre l'Arabie et l'Iran. En outre, l'Arabie elle-même fait pression pour qu'Assad réintègre la Ligue arabe. Pour les États-Unis, il s'agit d'un camouflet évident.
Gaiani: "Les Américains ne sont plus un partenaire fiable pour de nombreux pays, beaucoup l'ont compris, mais nous, Européens, faisons semblant de ne pas nous en apercevoir".
Est-ce parce qu'ils ne pensent qu'à leurs propres intérêts?
Tout le monde doit penser à ses propres intérêts: une grande puissance doit le faire, les Américains le font, même sans scrupules; l'Union soviétique l'a fait, l'empire britannique l'a fait. Le problème n'est pas là, le problème est de comprendre ce qui se passe. C'est la véritable tragédie de l'Europe, qui a une classe dirigeante qui n'est pas à la hauteur du niveau politique, social et économique du continent, qui n'est pas à la hauteur des défis qu'elle doit affronter et qui est donc absolument soumise aux Américains, dont nous devrions être les alliés et dont nous sommes au contraire les vassaux. Il y a là une grande différence.
Comment la carte du pouvoir mondial évolue-t-elle et pourquoi?
Dans le monde arabe, la méfiance envers les États-Unis a commencé en 2011, quand Obama, dont l'adjoint était Joe Biden, a ouvertement soutenu les printemps arabes, qui visaient à renverser des régimes arabes qui n'étaient certes pas d'une démocratie exemplaire, mais qui étaient tous pro-occidentaux. Depuis, si l'on exclut l'intermède Trump, qui a un peu raccommodé les choses, les relations entre le monde arabe sunnite, c'est-à-dire les monarchies sunnites du Golfe, et les États-Unis se sont dégradées. Trump a accepté de vendre des F35 aux EAU mais quand Biden est arrivé à la Maison Blanche, il a dit qu'ils ne pourraient les acheter que s'ils renonçaient au réseau 5G fabriqué par les Chinois. Et les Émirats ont répondu aux Américains qu'ils n'accepteraient pas d'ingérence dans leur souveraineté et qu'ils installeraient le réseau 5G avec qui ils voulaient. Et que les Américains pouvaient garder leurs F35. Ils ont donc acheté plusieurs dizaines de Rafale français.
Le regard du monde arabe sur les États-Unis a-t-il changé?
Je vois dans le monde arabe une représentation fière de la souveraineté nationale face aux protecteurs américains, une fierté que j'aimerais aussi voir dans les États européens, mais qui est malheureusement absente à l'appel. La présence américaine dans le Golfe n'a été justifiée ces dernières années que par l'état de quasi-guerre entre l'Iran et les Saoudiens, entre la République islamique chiite et les monarchies sunnites. Le grand chef-d'œuvre des Chinois, qui ont inauguré le troisième mandat de Xi Jinping, a été de régler cette question. La résolution de cette crise rendra la présence des bases militaires américaines dans le golfe Persique complètement inutile ou du moins dépassée d'ici quelques années.
Maintenant, les rebuffades envers les Américains concernent aussi le pétrole....
Oui. Le fait que les Saoudiens aient répondu à la lettre aux Américains qui leur demandaient de ne pas baisser la production de pétrole, et que l'ensemble de l'Opep l'ait au contraire baissée précisément pour faire monter les prix, favorise les producteurs, y compris la Russie, bien sûr. En baissant la production, les prix du pétrole augmentent.
Les choses changent-elles ailleurs aussi?
Bien sûr. Prenez par exemple le fait que le PIB des Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) a dépassé celui des pays du G7: c'est un fait dont personne ne parle ou presque. Nous ne cessons de dire "Nous avons isolé la Russie", mais nous n'avons isolé personne, c'est nous qui sommes de plus en plus isolés, car les pays qui ont imposé des sanctions à la Russie sont les pays européens, pas même tous, ainsi que l'Australie, la Nouvelle-Zélande et en partie le Japon. Tous les autres ont renforcé leurs relations économiques, commerciales et militaires avec la Russie.
Même l'Afrique échappe à l'orbite de l'Occident.
Le sommet Russie-Afrique s'est récemment tenu à Moscou, en présence de délégations africaines de 44 pays sur 54. L'énergie russe en Inde et en Chine est payée en roubles, en roupies et en yuans. Les Brics s'organisent pour éviter les dollars et les euros dans les échanges commerciaux et utiliser les monnaies locales. Ce n'est pas une coïncidence si, en 2022, la monnaie mondiale la plus performante était le rouble russe, qui était censé s'effondrer en même temps que l'économie moscovite.
Bref, qu'arrive-t-il à l'Occident et à l'Europe?
L'épisode du Golfe entre l'Iran et l'Arabie saoudite, qui ont rétabli leurs relations diplomatiques, n'est qu'un des indicateurs qui montrent que nous continuons à nous regarder le nombril et à nous considérer comme le centre du monde, mais que le monde a décidé de se passer de nous en tant qu'Occident. C'est ce problème qui devrait nous préoccuper.
17.04.2023 - int. Gianandrea Gaiani
19:56 Publié dans Actualité, Affaires européennes, Entretiens, Géopolitique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : gianandrea gaiani, géopolitique, politique internationale, europe, affaires européennes, occident | |
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dimanche, 23 avril 2023
La Pologne se prépare à la guerre - Varsovie deviendra-t-elle la plus grande puissance militaire d'Europe?
La Pologne se prépare à la guerre - Varsovie deviendra-t-elle la plus grande puissance militaire d'Europe?
Par Alexander Markovics
Des chars sud-coréens pour la Pologne - une gifle pour l'Allemagne
La Pologne se prépare à la guerre : face à la défaite annoncée de l'Occident et de l'OTAN en Ukraine, la Pologne veut développer massivement son armée. Un gigantesque contrat d'armement entre Varsovie et Séoul a le potentiel de faire de la Pologne l'un des pays les plus puissants de l'OTAN après les Etats-Unis et la Turquie. Varsovie a ainsi signé un contrat pour l'achat de 1.000 chars K2 Black Panther (photo) avec la Corée du Sud - une gifle pour l'Allemagne, qui fournissait jusqu'à présent des chars Leopard 2 à la Pologne. Pourtant, cet achat de chars n'est qu'une étape supplémentaire dans la militarisation globale de la Pologne et l'escalade de la guerre en Ukraine.
Berlin aux yeux de Varsovie : trop hésitant et peu fiable
Varsovie argumente sa décision contre Berlin en affirmant que les délais de livraison en provenance du pays voisin sont trop longs et qu'elle est déçue par l'Allemagne en ce qui concerne la réticence à livrer des chars à l'Ukraine. La Pologne, en revanche, a été à l'origine de la mise en place d'une "coalition de chars" pour fournir à l'Ukraine des chars américains, britanniques, français et allemands, ainsi que des éléments de l'armée polonaise elle-même. Le contrat, d'un montant de plus de 15 milliards d'euros, prévoit la livraison de 150 chars K2 d'ici 2025 et de 212 obusiers blindés K9 (photo, ci-dessus) pour remplacer les obusiers livrés à l'Ukraine. Au total, jusqu'à 650 obusiers blindés devraient être livrés à la Pologne. La Pologne a également fourni à l'Ukraine de nombreux exemplaires de ce type d'armes provenant des stocks de son armée. Enfin, à partir de 2026, une variante du char K2 adaptée aux souhaits de la Pologne, appelée K2PL, devrait être fabriquée en Pologne, la majeure partie des chars devant donc d'abord être construite et n'étant pas disponible immédiatement.
Escalade de Varsovie : De nouveaux avions pour la Pologne, des avions soviétiques pour l'Ukraine
De même, la Pologne a ajouté 48 avions de chasse à son armée de l'air, après avoir promis à l'Ukraine tous ses avions de fabrication soviétique, à l'exception des anciens avions de la RDA en provenance d'Allemagne, et lui avoir déjà livré une première tranche. Bien que la Slovaquie ait également livré des avions à l'Ukraine, l'initiative d'échange circulaire d'avions de combat ou la livraison d'avions de combat F-16 à l'Ukraine n'a pas encore dépassé le stade des discussions. Il est cependant indéniable que la Pologne a un rôle clé à jouer non seulement dans le renforcement de l'OTAN en Europe, mais aussi dans la militarisation de l'Ukraine. Varsovie fait encore payer cette aide avec de l'argent occidental, et bientôt avec du territoire ukrainien? Est-ce peut-être pour cela que Varsovie est si désireuse de faire la guerre?
Intermarium et Commonwealth : le vieux rêve de la grande puissance
A l'instar de nombreuses anciennes grandes puissances, la Pologne semble être en proie à une douleur fantômatique couvant sous le parti transatlantiste et conservateur PiS: le rêve de redevenir l'ancienne grande puissance polonaise, consolidée par une union de 400 ans avec la Lituanie voisine, qui a tenu en échec les ambitions expansionnistes allemandes et russes du 14ème au 18ème siècle. A l'apogée de la puissance polonaise, l'influence de la noblesse polonaise s'étendait jusqu'à Moscou. Ce n'est que lorsque la république aristocratique devint de plus en plus instable et adopta une constitution liberticide et révolutionnaire sur le modèle français et américain que la Pologne-Lituanie fut perçue par la Prusse, la Russie et l'Autriche comme une menace pour les monarchies chrétiennes traditionnelles, ce qui conduisit aux partages successifs de la Pologne, laquelle fut progressivement rayée de la carte. Bien que la Pologne ait obtenu les territoires allemands de l'Est après 1945, la Pologne ne semble pas être assez grande pour le gouvernement PiS. L'initiative "Intermarium" soutenue par Washington et Varsovie, qui vise à promouvoir une alliance entre les pays de la mer Baltique, de la mer Noire et de l'Adriatique, peut être considérée comme une tentative de raviver ce bloc géopolitique et de le maintenir comme un bélier contre la Russie ou pour l'articuler dans un scénario menaçant contre l'Allemagne.
La nouvelle colonie de Varsovie ? L'emprise de la Pologne sur la Galicie et l'augmentation des investissements en Ukraine
Depuis la nouvelle phase du conflit ukrainien depuis février 2022, non seulement les ambitions polonaises visant à récupérer l'Ukraine occidentale ne cessent d'émerger, mais la Pologne elle-même étend son influence sur Kiev avec l'aide des États-Unis. Ainsi, le président Zelensky a fait adopter en juillet 2022 une loi accordant à la Pologne des droits spéciaux en Ukraine, comme la possibilité qu'un citoyen polonais puisse y être élu président. Mais les investissements polonais en Ukraine sont également plus importants que jamais: selon l'institut économique PIE, les investissements économiques polonais en Ukraine devraient atteindre 30 milliards de dollars d'ici 2028. Lors de sa visite à Varsovie début avril, le président ukrainien Zelensky s'est même laissé aller à dire qu'après la victoire de l'Ukraine, il n'y aurait plus de frontières avec la Pologne. Plus la guerre dure, plus l'Ukraine devient dépendante de la Pologne et de l'Occident, les observateurs politiques allant jusqu'à dire que Kiev est devenue une colonie de Varsovie. Mais cela a un prix: les armes polonaises sont déjà en Ukraine, les Polonais "meurent pour Bandera", comme l'ont dénoncé les patriotes polonais lors d'une manifestation à Varsovie.
Jusqu'à la guerre nucléaire ? Jusqu'où Varsovie veut-elle aller pour ses ambitions de grande puissance ?
Le summum de la politique d'escalade est toutefois atteint par le désir de la Pologne de participer aux déploiements nucléaires de l'OTAN. Le conseiller à la sécurité du président polonais Duda, Jacek Siewiera, a ainsi déclaré que la Pologne était prête à déployer des armes nucléaires sur son territoire.
Si cela devait se produire, la témérité et l'arrogance polonaises pourraient plonger le monde dans l'apocalypse nucléaire. Il est donc d'autant plus important de soutenir les patriotes pacifistes qui tentent de se faire entendre là-bas.
15:30 Publié dans Actualité, Affaires européennes, Géopolitique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, europe, affaires européennes, politique internationale, pologne, ukraine, intermarium, géopolitique | |
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Kennedy, curiosité ou chef rebelle?
Kennedy, curiosité ou chef rebelle?
Markku Siira
Source: https://markkusiira.com/2023/04/20/kennedy-kuriositeetti-vai-kapinajohtaja/
L'avocat et militant américain Robert F. Kennedy Jr. a annoncé sa candidature à l'élection présidentielle de l'année prochaine.
Kennedy appartient à une famille politique américaine connue pour ses tragédies. Robert F. Kennedy Jr. était l'oncle du président John F. Kennedy, assassiné en novembre 1963. Son père, Robert F. Kennedy, a également été assassiné lors d'une campagne présidentielle en 1968.
Les chances de Kennedy de devenir le prochain président des États-Unis ont été minimisées par les grands médias. Ces dernières années, il a été qualifié de "théoricien du complot" et d'"anti-vaccin" pour ses opinions négatives sur les élucubrations covidiques, ses critiques à l'égard des sociétés pharmaceutiques, de Bill Gates et de l'expert-virologue Anthony Fauci.
Malgré ses critiques, M. Kennedy se présente en tant que candidat du parti démocrate établi et ne fait pas campagne en tant qu'indépendant. N'est-il donc qu'un autre "Trump démocrate", légèrement plus sophistiqué, qui promet à ses électeurs potentiels de faire les choses différemment de son prédécesseur ?
Quoi qu'il arrive lors des prochaines élections présidentielles américaines, les performances de Kennedy seront certainement suivies avec intérêt. En effet, il a commencé en fanfare, s'attaquant au complexe militaro-industriel américain, aux services de renseignement et au pouvoir des grandes entreprises.
Lors du lancement de sa campagne électorale à Boston, Kennedy a fait le lien entre les événements de la présidence de son oncle et la guerre néo-conservatrice en Irak. Il est clairement conscient des forces obscures qui animent la politique étrangère des États-Unis.
"Lorsque mon oncle a pris ses fonctions, deux mois plus tard, il s'est battu contre son appareil de renseignement et son armée... Au milieu de la crise de la Baie des Cochons, il s'est rendu compte qu'on lui mentait. Il s'est rendu compte que le travail des services de renseignement consistait à fournir à l'industrie de la guerre un pipeline de guerre continu", a suggéré M. Kennedy, en faisant référence aux événements des années 1960.
Répétant le même fiel, il a également déclaré que "les néoconservateurs et la CIA ont été autorisés à aller en Irak et à changer le régime". Kennedy a remis en question l'invasion de l'Irak, pour laquelle "huit mille milliards de dollars" ont été dépensés. "L'Irak est dans un état bien pire aujourd'hui qu'il ne l'était lorsque nous y sommes allés. Nous avons tué plus d'Irakiens que Saddam Hussein ne l'a jamais fait", a déclaré Kennedy, se référant aux sombres statistiques américaines.
M. Kennedy a également un avis sur le conflit en Ukraine : l'administration Biden a fait de l'Ukraine "un pion dans la lutte géopolitique visant à épuiser la Russie". M. Kennedy a mis à jour les milliards d'euros d'aide militaire de Washington à Kiev, condamnant le maintien de plus de huit cents bases militaires et demandant que ces dépenses soient redirigées vers les Américains les plus démunis.
Lors de son entrée en campagne, le fils Kennedy a reçu les applaudissements les plus nourris de ses partisans pour avoir cité son défunt oncle, le président J.F. Kennedy, qui avait juré de "briser la CIA en mille morceaux". Le candidat à la présidence Kennedy a également promis, sur un ton populiste, de "ramener les soldats américains à la maison, de fermer les bases étrangères et d'investir dans la classe moyenne américaine".
Toutefois, en realpolitik, ce sont les actes qui comptent, pas les discours enflammés. L'appareil d'État américain est tellement truqué que je doute qu'un président puisse changer l'orientation politique du pays.
Le cercle intérieur de ce que l'on appelle l'"État profond", ou gouvernement secret, planifie les choses à long terme et, par exemple, la tête de pont anti-russe en Ukraine a été construite des années avant la présidence de M. Biden ou la réaction de M. Poutine.
Un Américain qui se présente à l'élection présidentielle peut avoir des idées et des principes de changement, mais au sommet de la politique, la nouvelle figure de proue se voit imposer les règles du jeu et les usages de la maison. Trump était perçu comme un agent de changement, mais son administration était remplie de "monstres du marais" comme Mike Pompeo et John Bolton, qui ont promu une politique étrangère élaborée par l'appareil d'État permanent.
Je ne pense donc pas que Kennedy ait pu changer radicalement le système américain, à moins que la pression en faveur du changement n'atteigne des proportions considérables. Bien que l'on parle beaucoup de la polarisation américaine, les véritables dirigeants ne se préoccupent pas des émeutes, des conflits ethniques ou de la dégradation sociale, mais poursuivent impitoyablement leurs propres intérêts. Il n'y a pas de place pour l'idéalisme dans cette équation.
La candidature de Kennedy junior peut, bien sûr, mettre en lumière des questions qui ont été passées sous silence ainsi que des points de vue qui divergent de la ligne de l'administration actuelle. Quant à savoir si le dernier candidat de l'illustre famille parviendra un jour à la Maison Blanche pour mettre en œuvre sa vision politique - et encore moins pour influencer la symbiose corrompue entre le pouvoir de l'État et celui des entreprises - c'est une autre affaire.
15:04 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : robert kennedy jr, états-unis, actualité, politique internationale | |
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samedi, 22 avril 2023
Les fuites explosives du Pentagone: comment le public a été trompé
Les fuites explosives du Pentagone: comment le public a été trompé
Source: https://zuerst.de/2023/04/21/brisante-pentagon-leaks-so-wurde-die-oeffentlichkeit-belogen/
Washington/Kiev. Officiellement, les médias et les politiques occidentaux continuent de répandre la confiance dans la contre-offensive ukrainienne annoncée de longue date. Mais les récentes "fuites du Pentagone" prouvent qu'il existe de sérieux doutes en coulisses - et que l'Occident, face à ses propres difficultés, travaille déjà fébrilement à une stratégie de "sortie".
L'ancien correspondant du Wall Street Journal et désormais rédacteur en chef de la plateforme indépendante Consortium News, Joe Lauria (photo), a passé en revue les documents secrets du Pentagone qui ont été rendus publics et constate qu'au Pentagone même, des doutes considérables pèsent sur les chances de succès militaire de l'Ukraine. Dans un article récent ("Leaks Spelling the End for Ukraine"/ https://consortiumnews.com/2023/04/17/leaks-spelling-the-end-for-ukraine/ ), Lauria en conclut que l'on a systématiquement menti au public - les médias grand public ont relayé le mensonge sans le remettre en question. Ils ont ainsi "échoué dans leur mission journalistique".
Lauria replace les fuites dans une stratégie de communication en pleine évolution. Selon lui, l'opinion publique américaine est successivement préparée à un changement d'objectifs dans la guerre en Ukraine. La recherche d'une solution négociée sera de plus en plus mise en avant dans un avenir proche.
Un article publié dans le magazine Foreign Affairs par Richard Haas et Charles Kupchan, anciens collaborateurs du Département d'État américain et membres du think tank Council on Foreign Relations, plaide également en ce sens. Ils écrivent : "La meilleure voie à suivre est une stratégie à deux volets visant à renforcer d'abord les capacités militaires de l'Ukraine, puis, lorsque les combats approcheront de leur fin, à amener Moscou et Kiev à la table des négociations".
L'idée que la Russie soit prête à négocier après que l'Ukraine ait gagné de nombreux terrains n'est cependant pas très réaliste, écrit Lauria. D'autant plus que l'article de Foreign Affairs part du principe que l'armée russe est supérieure en nombre et que les forces armées ukrainiennes sont de plus en plus sous pression. L'aide occidentale est elle aussi de plus en plus limitée - l'Occident est lui-même à court de munitions en raison de la consommation élevée d'obus d'artillerie. De plus, contrairement à la Russie, il ne peut pas augmenter la production en temps voulu.
Toutes ces nouvelles prennent le public par surprise. Au vu de l'évolution de la situation sur le champ de bataille, Lauria estime que les médias devront progressivement changer de cap et corriger leur récit actuel. La préservation de la face devrait être au premier plan. Il est désormais clair que le soutien inconditionnel à l'Ukraine ne peut pas être maintenu. Les médias occidentaux vont donc bientôt préparer leurs lecteurs et leurs téléspectateurs à une solution négociée. Les alliés de l'OTAN pourraient initier un dialogue stratégique avec la Russie et discuter du contrôle des armes et d'une architecture de sécurité européenne plus large, en tenant compte des intérêts de la Russie en matière de sécurité. C'était précisément la demande initiale de la Russie à l'hiver 2021/22. (mü)
Demandez ici un exemplaire de lecture gratuit du magazine d'information allemand ZUERST ! ou abonnez-vous ici dès aujourd'hui à la voix des intérêts allemands !
Suivez également ZUERST ! sur Telegram : https://t.me/s/deutschesnachrichtenmagazin
20:28 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : pentagone, états-unis, ukraine, fuites du pentagone, politique internationale | |
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Entretien avec Dmitri Lioubinski, ambassadeur de Russie en Autriche
Martin Sörös a réalisé un entretien remarquable avec l'ambassadeur russe Dmitri Lioubinski à Vienne.
Entretien avec Dmitri Lioubinski
Source: https://www.unzensuriert.at/176166-interview-mit-dmitrij-ljubinskij-wann-haben-wir-wieder-frieden-herr-botschafter/?utm_source=Unzensuriert-Infobrief&utm_medium=E-Mail&utm_campaign=Infobrief&pk_campaign=Unzensuriert-Infobrief
Quand aurons-nous à nouveau la paix, Monsieur l'Ambassadeur ?
Dans une interview exclusive, l'ambassadeur russe à Vienne, Dmitri Lioubinski, donne un aperçu du conflit ukrainien. Il est intéressant de noter que les sanctions contre son pays font plus de mal aux pays de l'UE qu'à la Russie. Il affirme en outre que Vienne a perdu son rôle de pacificateur en menant une politique étrangère à courte vue et en affaiblissant constamment son propre statut de neutralité "perpétuelle".
Interview par Martin Sörös
Monsieur l'Ambassadeur, merci d'avoir accepté de répondre à cette interview, et permettez-moi de commencer tout de suite par la question qui brûle actuellement les lèvres de tous les habitants du monde : quand vivrons-nous à nouveau en paix ?
Lioubinski : Je recommanderais de poser cette question à Kiev, mais cela n'a pas beaucoup de sens. Il faut donc la transmettre directement à Washington et à ses "satellites". Les problèmes auxquels nous sommes tous confrontés aujourd'hui ne concernent pas seulement l'Ukraine, loin de là, mais l'ensemble du continent européen. Ils se sont accumulés au cours de nombreuses années, voire de décennies. La "poussée vers l'Est" continue de l'OTAN, l'encouragement constant aux forces en Ukraine qui font profession de haïr la Russie, encouragement qui a finalement conduit au coup d'État de 2014, les tentatives inlassables de l'Occident pour contenir la Russie, la soumettre et la rendre obéissante - tout cela nous a poussés dans cet abîme politique et diplomatique.
Cela signifie-t-il que votre "interprétation" est la suivante: la Russie ne fait qu'exercer son droit légitime à se défendre ?
Lioubinski : Il faut enfin comprendre que les préoccupations et les besoins essentiels de la Russie en matière de sécurité doivent être respectés et que les droits de la population russophone doivent également être respectés en Ukraine. En outre, la haine de la Russie, en tant qu'idée héritée du nazisme et en tant que principe fondamental de la politique internationale (en Europe et en Asie), ne doit plus constitué un fondement du politique en Europe. Ce n'est qu'à cette condition qu'une coexistence pacifique et durable sera ancrée, où l'indivisibilité de la sécurité est à la base. Or, c'est exactement le contraire qui se produit actuellement. Le plan de l'Occident visant à atteindre ses objectifs stratégiques avec les forces ukrainiennes lesquelles doivent verser de plus en plus de sang sur le champ de bataille, plan qui est de lutter contre la Russie jusqu'au "dernier Ukrainien" afin d'affaiblir Moscou, de retourner la situation ou même de fragmenter la Fédération de Russie. Tout cela ne marchera jamais. Il faut enfin le comprendre et respecter la nouvelle donne "sur le terrain".
Je tiens à souligner cette thèse en particulier ces jours-ci, autour du 19 avril - le 240ème anniversaire de l'entrée de la péninsule de Crimée, de l'île de Taman et de toute la région du Kouban dans l'Empire russe. En fin de compte, beaucoup de choses complexes dépendront de la capacité et de la volonté de l'Europe de se comporter comme un acteur indépendant. Et de la capacité de l'Europe à écouter enfin les attentes de sa propre population.
La Chine pourrait-elle jouer un rôle de médiateur dans le conflit ? C'est un espoir que l'on caresse depuis longtemps.
Lioubinski : La Chine a un potentiel de médiation considérable, et les récents succès de la médiation diplomatique de ce pays au Moyen-Orient le confirment. La Russie est très attachée à son partenaire chinois et à d'autres partenaires importants pour comprendre les raisons de ce qui se passe en Ukraine et pour leur volonté de contribuer à la résolution du conflit. Mais en ce qui concerne le gouvernement de Kiev, et surtout ses sponsors occidentaux, ils ne semblent pas du tout intéressés par un règlement.
Par décret, Zelensky a récemment établi l'impossibilité de négocier avec la partie russe. Pour des pourparlers de paix, il est évident qu'il faut au moins deux parties. Pour l'instant, la partie adverse semble tout mettre en œuvre pour régler le conflit sur le champ de bataille uniquement. Les énormes quantités d'armes et de munitions fournies par l'Occident - qui, soit dit en passant, sont payées avec l'argent des contribuables européens et américains - font partie de ce plan. Les vies humaines passent au second plan. Mais le jour viendra - bientôt, espérons-le - où l'on comprendra qu'il est impossible de battre la Russie militairement. Mais est-il essentiel pour l'Europe de laisser la Chine résoudre les questions de sa propre sécurité régionale ? Je me permets également de rappeler que nos propositions essentielles en la matière ont été présentées en décembre 2021. Mais elles ont été balayées avec arrogance à l'époque. En ce qui concerne le rôle de Vienne dans son ensemble, elle a perdu ses chances avec une politique étrangère à courte vue et un affaiblissement constant de sa neutralité "perpétuelle".
Quelques messages clés et contenus de l'entretien:
- La haine de la Russie ne doit pas être un principe en Europe.
- Si vous demandez quand il y aura la paix, adressez cette question à Kiev ou à Washington.
- Kiev n'est pas du tout intéressé par la paix.
- L'Europe veut-elle vraiment laisser la Chine résoudre la question de la sécurité régionale ?
- L'Occident perd énormément sur le plan stratégique à cause des sanctions.
- L'économie russe se porte bien, les sanctions ne servent à rien.
- Le commerce entre la Russie et l'Autriche a doublé en 2022.
- La Russie s'appuie désormais sur d'autres marchés fiables.
- L'Autriche perd de plus en plus d'importance sur la scène internationale en raison de sa quête d'une solidarité sans frontières avec l'euro.
- Les dirigeants militaires autrichiens connaissent la position de la Russie sur le transport d'armes.
- Les perspectives de normalisation des relations bilatérales Russie-Autriche s'amenuisent.
- Il s'agit de l'OTAN, du pouvoir décroissant du G7 et d'un nouvel ordre mondial.
- L'Europe se laisse instrumentaliser par les États-Unis.
On a lu dans les médias occidentaux que la Russie était proche de l'effondrement économique en raison des sanctions imposées par l'UE et les États-Unis. Les sanctions sont donc manifestement efficaces, non ?
Loin de là, comme on l'espérait en Occident, et les conclusions qui en découlent sont très différentes. Les sanctions illégales de l'Occident sont incontestablement une épée à double tranchant. La question de savoir qui, de la Russie ou de l'Occident, est le plus touché est, selon moi, secondaire. Mais une chose est d'ores et déjà certaine à mes yeux : "l'Occident collectif" perd énormément sur le plan stratégique. Des chiffres récents montrent à quel point ces mesures punitives sans précédent ont affecté l'économie autrichienne.
Et quels sont-ils ?
Lioubinski : Le taux d'inflation dans le pays (l'Autriche) était de 9,2% en mars, avec un record mensuel de 11,2% en janvier. Les prix des denrées alimentaires ont augmenté de 16%, les prix de l'essence de 30%, les faillites d'entreprises ont augmenté de 22% au premier trimestre 2023 (ce qui représente 14 entreprises chaque jour). De nouvelles prévisions du FMI montrent que les sanctions font plus de mal aux pays de l'UE qu'à la Russie. En 2023, l'économie autrichienne prévoit une croissance de 0,4%, soit environ la moitié du taux de croissance de la Russie (0,7%).
Et quelle est la situation réelle de l'économie russe à l'heure actuelle ?
Lioubinski : En ce qui concerne l'économie russe, notre gouvernement a élaboré à temps des mesures efficaces pour masquer les conséquences négatives des sanctions. Il ne peut sans aucun doute pas être question d'un effondrement souhaité par l'Occident. C'est ce que confirment aussi bien des experts économiques occidentaux de renom que des institutions économiques internationales. La Banque centrale et l'ensemble du secteur bancaire obtiennent les meilleures notes pour faire face aux conséquences des sanctions. Des restrictions sans précédent ont, pour leur part, conduit à repenser fondamentalement notre politique et nos structures économiques, en mettant l'accent sur l'innovation et l'autoproduction de biens stratégiques. A cela s'ajoute la réorientation des flux commerciaux vers de nouveaux marchés, des moyens de paiement sûrs, mais aussi des perspectives d'avenir. Aujourd'hui, nous avons déjà moins de quatre pour cent d'inflation et les investissements dans le capital total ont augmenté de 4,6%.
D'une manière générale, il convient également de souligner que les sanctions ne mènent jamais au but recherché et que, dans la plupart des cas, elles ne font que produire l'effet inverse. Mais les fossés qui se sont déjà creusés en Europe, de nature absolument artificielle il faut le souligner, ne pourront être comblés, si tant est qu'ils le soient, qu'avec beaucoup de difficultés. Et encore une fois, tout cela correspond-il aux attentes des populations des pays actuellement inamicaux à notre égard ? J'en doute fortement.
Une partie de l'économie autrichienne commence à se demander, plus ou moins bruyamment, si les sanctions de l'UE contre la Russie n'affectent pas davantage l'économie et la population autrichiennes que la Russie. Est-ce que l'espoir d'une base de discussion se fait jour ?
Lioubinski : La coopération économique et commerciale, qui a longtemps été la pierre angulaire et le principal moteur de nos relations bilatérales avec l'Autriche, bien que freinée par la pression des sanctions, reste toujours présente et importante. D'un point de vue statistique, la Russie reste l'un des principaux partenaires commerciaux de l'Autriche et occupe la sixième place en termes de volume d'exportation. Selon les données russes, notre volume commercial bilatéral a même augmenté de 65,4% entre janvier et octobre 2022, même si cela est dû en grande partie aux prix record de l'énergie. Selon la WKÖ (= la chambre de commerce autrichienne), le commerce mutuel a doublé en 2022 pour atteindre 10,07 milliards d'euros. Les exportations autrichiennes n'ont diminué que de 8% en 2022, celles de l'UE de 38,1%, tandis que les exportations russes ont augmenté de 76%. Il ne fait aucun doute que la grande majorité de la communauté des hommes d'affaires en Autriche et dans d'autres États membres de l'UE n'est pas satisfaite de la situation actuelle et considère ces restrictions contraires au droit international comme contre-productives et nuisibles en elles-mêmes.
Les hommes d'affaires européens perdent beaucoup: leurs anciennes positions sur le marché russe sont rapidement réoccupées par des entreprises et des partenaires volontaires d'autres pays dont les gouvernements sont plus raisonnables et plus prévoyants. Ces créneaux lucratifs ne pourront être récupérés qu'avec beaucoup de difficultés, voire pas du tout. En ce qui concerne le dialogue énergétique russo-autrichien, le gouvernement fédéral de Vienne s'est empressé, contrairement à la logique économique, de déclarer qu'il était terminé avec la Russie. On s'empresse aujourd'hui de faire passer pour une erreur le partenariat stratégique irréprochable entre nos deux pays dans le secteur du gaz, qui dure depuis un demi-siècle. Et ce faisant, nous oublions que c'est précisément ce dernier qui a assuré, dans une large mesure, la base des miracles économiques et des piliers de la prospérité de l'Autriche (comme de certains autres pays). La nécessité de la nouvelle doctrine de sécurité autrichienne, qui fait actuellement l'objet de vifs débats et dont l'une des toutes premières tâches semble être de réduire la "dépendance énergétique" vis-à-vis de la Russie, constitue ni plus ni moins une lutte contre des moulins à vent. Nous entendons souvent dire qu'il n'y aura plus de "business as usual". Il faut pourtant assumer cela, que le "business as usual" ne sera définitivement plus possible pour notre dialogue sur l'énergie. Nous allons nous réorienter vers d'autres marchés plus fiables et des acheteurs de confiance. Nous ne céderons au chantage de personne à ce sujet.
En tant que représentant de la Russie en Autriche, êtes-vous en contact avec des diplomates ou des hommes politiques autrichiens ? Est-ce qu'on se parle au moins ?
Lioubinski : Nos relations avec l'Autriche, autrefois constructives et partenariales, sont malheureusement au plus bas. L'ambassade ne travaille cependant pas en vase clos. Nous restons en contact avec les autorités autrichiennes, y compris avec le ministère des Affaires étrangères, le plus souvent au niveau du travail, dans la mesure où cela est actuellement nécessaire. Même ou surtout les sujets délicats et désagréables sont abordés très ouvertement de notre côté. Mais ce n'est pas le plus important. Compte tenu de l'attitude actuelle du gouvernement de coalition autrichien, nous avons une base de négociation et un ordre du jour réduits. S'il n'y a plus rien à ajouter à Vienne à ce qui a déjà été déclaré à Bruxelles, il nous reste peu de sujets de discussion.
Cela ressemble à une forte amertume et à une déception, non ?
Lioubinski : Dans sa quête d'une euro-solidarité sans frontières, l'Autriche perd au fond son importance internationale et son rôle d'État neutre, et interprète la neutralité exclusivement en termes militaires. Mais là aussi, des questions se posent. De plus en plus d'informations font état de transports d'armes pour Kiev à travers la République alpine. Des Autrichiens et des compatriotes inquiets nous signalent également souvent de telles livraisons suspectes en transit. Le commandement militaire autrichien connaît bien notre position à ce sujet. Les assurances selon lesquelles aucun des transports transitant par l'Autriche n'est destiné à Kiev sont difficilement vérifiables d'ici et restent sur la conscience de Vienne. Elles ne semblent pas particulièrement crédibles lorsque, par exemple, les chars sont transportés sur le réseau ferroviaire autrichien.
En résumé, l'orientation ouvertement inamicale des dirigeants autrichiens, y compris leur soutien empressé aux sanctions antirusses illégitimes et massives, détruit complètement les fondements constructifs des relations bilatérales établis au fil des décennies et limite considérablement les perspectives d'une normalisation sérieuse dans un avenir prévisible. Nous constatons que les hommes politiques autrichiens se permettent des déclarations ouvertement hostiles à la Russie et ne semblent pas remarquer les manifestations de partisans nationalistes de Bandera (Stepan Bandera, leader nationaliste ukrainien et opposant à Staline dans les années 1930 et 1940, ndlr) dans le centre de Vienne. Dans ces conditions, il ne peut être question pour l'instant d'un dialogue de fond avec Vienne. Nous restons cependant une ambassade ouverte aux contacts dans le CD représentatif de Vienne et protégeons également des personnalités pensant de manière indépendante et absolument raisonnables dans le monde politique et au-delà en Autriche.
Loin des médias dominants, les informations se multiplient sur les réseaux sociaux selon lesquelles le conflit entre la Russie et l'Ukraine concerne en réalité une sorte de nouvel ordre mondial en gestation. Les États-Unis et l'UE d'un côté, les pays BRICS avec l'Arabie saoudite, l'Afrique et d'autres soutiens, de l'autre. Qu'est-ce que cela implique ?
Lioubinski : Le monde est en effet en train de changer. Les tentatives d'instaurer un ordre mondial unipolaire avec à sa tête un tout petit groupe de pays (comme le G7) qui se qualifie de "jardin" et tente d'imposer ses règles au reste de la "jungle" sont en train d'échouer. Bien sûr, cela agace énormément Washington et Bruxelles, mais nous sommes convaincus que le nouveau modèle d'un monde démocratiquement libre et pluraliste, basé sur le droit international, sans exploitation néocoloniale, menaces et chantage, finira par s'imposer. C'est ce que nous défendons, et avec nous un groupe très important de pays partageant les mêmes idées, comme la Chine par exemple.
Et l'Europe ?
Lioubinski : En matière de sécurité, l'UE fusionne de plus en plus avec l'OTAN qui, de son côté, s'efforce de plus en plus de dominer le monde. Les Européens semblent perdre de vue la manière dont ils sont instrumentalisés pour les intérêts des États-Unis et entraînés dans un jeu de pouvoir dangereux. L'OTAN n'est plus depuis longtemps une alliance défensive et tente avec véhémence de saper les pouvoirs du Conseil de sécurité de l'ONU. Je n'ai absolument pas besoin de vous expliquer à quel point cela peut être dangereux, les exemples des bombardements sur Belgrade sont encore sous les yeux de beaucoup. Ou les conséquences des "bonnes intentions" fictives à l'égard de l'Irak, de la Libye... La liste est longue si l'on veut parler de politique criminelle. En Syrie, on sait que cela n'a pas fonctionné.
De son côté, la Russie consolide ses relations avec les pays émergents du monde. Ce groupe de pays représente une majorité absolue de la population mondiale. Comme vous l'avez justement mentionné, nous entretenons une bonne coopération avec les pays du BRICS. Le partenariat russo-chinois est plus fort que jamais. Comme l'a très bien dit le président Poutine, c'est un partenariat qui est tourné vers l'avenir. Nos contacts avec les pays du Golfe persique se développent de manière satisfaisante, de même que le partenariat avec l'Égypte, l'Algérie, un grand nombre d'États d'Afrique, l'Amérique latine, où le ministre des affaires étrangères Lavrov vient d'effectuer une longue visite, l'Asie du Sud-Est et le Moyen-Orient. Je peux allonger cette liste, en particulier pour les pays de l'Union économique eurasienne, de l'Organisation de coopération de Shanghai, etc. Nous insistons toujours sur le fait que tous les pays devraient avoir le droit de vivre selon des règles universelles, convenues et ancrées dans la Charte des Nations unies, et non selon les directives d'un centre de pouvoir bien connu et de ses satellites. Lorsque l'Occident "civilisé" aura enfin compris cela, notre monde pourra vivre beaucoup mieux, de manière plus pacifique et plus juste. L'espoir est le dernier à mourir.
Martin Sörös travaille depuis bientôt quatre décennies comme journaliste (indépendant) et auteur de livres.
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vendredi, 21 avril 2023
Le monde déteste l'Amérique... Et l'attaque vient d'un pays de l'OTAN
Le monde déteste l'Amérique... Et l'attaque vient d'un pays de l'OTAN
Augusto Grandi
Source: https://electomagazine.it/il-mondo-odia-lamerica-e-lattacco-arriva-da-un-paese-della-nato/?fbclid=IwAR0w9ivlZzPUhrNgZUrQmigKGxkTWFcEvoYGBATZ_7_vwNffrrJL21d-j1Y
"Le monde entier déteste l'Amérique". Une déclaration inacceptable pour les larbins européens et surtout italiens. Ceux-ci pourraient l'ignorer si elle avait été prononcée par Marco Rizzo ou un autre représentant de l'extrême droite ayant survécu au changement de cap américano-crossettiste. Au lieu de cela, il s'agit d'une déclaration du ministre turc de l'intérieur Suleiman Soylu. Il a ajouté que les États-Unis et l'UE "continuent à ruiner leur réputation".
Ce n'est pas qu'il ait forcément raison. Mais il est intéressant de connaître un point de vue différent de celui imposé par la pensée unique obligatoire par les clercs de la désinformation italienne. Car le récit des informations publiques et privées, ainsi que celui des anciens grands quotidiens en pleine cure d'amaigrissement, est toujours le même: Poutine est isolé, la Russie est finie et, après l'inévitable défaite, elle sera sévèrement punie.
Et au lieu de cela, non seulement Moscou renforce ses liens avec les pays d'Extrême-Orient, non seulement elle accroît ses relations avec l'Amérique latine, non seulement elle augmente sa pénétration en Afrique, mais elle tire profit de ces déclarations anti-américaines d'un ministre d'un pays membre de l'OTAN. Pas mal pour l'isolement.
L'Europe n'existe pas", a poursuivi le ministre turc (photo), comme le rapporte Agcnews, "et les dirigeants européens sont constamment discrédités, la population du continent vieillit, ils connaissent et continueront à connaître des difficultés de développement économique. L'Europe est devenue un pion de l'Amérique en Afrique, tous les pays africains détestent les Etats qui les exploitent".
C'est une bonne chose que M. Biden et les larbins européens fassent pression pour un changement de gouvernement à Ankara, en soutenant la coalition anti-Erdogan lors des élections du mois prochain. Mais même un éventuel changement au sommet du pays ne change pas la réalité d'un sentiment général. Général dans le sens où il ne concerne pas seulement la Turquie mais s'étend à une grande partie du monde. Peut-être pas le monde entier, mais les larbins et leurs maîtres devraient commencer à s'inquiéter.
C'est d'ailleurs ce qu'a fait la pathétique Ursula qui, après la prise de distance de Macron avec Washington, s'est immédiatement précipitée à la rescousse et a exigé que les pays de l'UE s'unissent pour exprimer une position forte à l'égard de Pékin. Parce que la Chine est le danger numéro un pour les États-Unis et que, par conséquent, les larbins européens doivent immédiatement se ranger du côté du maître.
Difficile alors de réfuter la vision turque du rôle de pion de l'Europe. Alors que Moscou, isolée, et Pékin, hostile, se mettent d'accord sur une coopération militaire. Alors que le Mexique boycotte également les réunions de l'Organisation des États américains pendant la présidence américaine. Mais voilà qu'Ursula la pathétique va interdire de chanter "Cielito lindo" (*) sur le sol européen...
Note:
(*) https://www.youtube.com/watch?v=rweAUQW9U3I
18:34 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, turqie, europe, états-unis, suleiman soylu, politique internationale | |
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Les analystes occidentaux ne comprennent pas la guerre psychologique qui se déroule derrière les lignes de front ukrainiennes
Les analystes occidentaux ne comprennent pas la guerre psychologique qui se déroule derrière les lignes de front ukrainiennes
Lucas Leiroz
Source: https://www.geopolitika.ru/pt-br/article/analistas-ocidentais-nao-entendem-guerra-psicologica-por-tras-das-linhas-de-frente
Dans toutes les situations de conflit armé, un élément parallèle aux combats sur la ligne de front est l'affrontement psychologique, les deux parties essayant de montrer leur force et d'intimider l'ennemi pour qu'il abandonne le combat. Cette tentative constante de vaincre moralement l'adversaire et d'étouffer la "volonté de combattre" commence déjà à être observée par certains analystes occidentaux, qui rédigent des rapports sur les mouvements psychologiques sur le front ukrainien. Toutefois, la perspective pro-occidentale de ces analystes les empêche d'évaluer le scénario avec précision.
Dans un article récent du Sunday Times, Mark Galeotti, professeur et auteur de plus de 20 ouvrages sur la Russie, a commenté certaines actions possibles de la Russie et de l'Ukraine dans le contexte de la guerre psychologique. Selon l'auteur, la Russie essaierait de montrer sa puissance par le biais de ses partenariats internationaux. Il cite le cas du Belarus, avec lequel Moscou a négocié un accord d'attribution d'armes nucléaires dans un avenir proche, améliorant ainsi la capacité de défense des deux pays. Pour Galeotti, cette mesure aurait pour seul but d'intimider l'Occident, ainsi que le gouvernement biélorusse lui-même, qui serait en quelque sorte contraint d'accepter les actions russes, sans indiquer la force réelle des relations entre les deux États.
Le même auteur fait également quelques commentaires sur la coopération russo-chinoise. Selon lui, Moscou se trouverait dans un "cercle" imposé par Pékin, où les possibilités d'action seraient limitées à la sphère actuelle du conflit, n'admettant en aucun cas la possibilité d'une escalade nucléaire. Le spécialiste semble croire à une forme de limitation du partenariat russo-chinois, au sein duquel la partie russe serait supposée être désavantagée, devant accepter les conditions imposées par les Chinois pour obtenir un soutien international. En ce sens, il ne croit pas que Poutine puisse réellement autoriser l'utilisation d'armes nucléaires, étant donné les "limitations chinoises", raison pour laquelle la Russie n'agirait que dans le domaine de la dissuasion psychologique en envoyant des armes à Minsk.
Ensuite, Galeotti cite également certaines des raisons pour lesquelles le gouvernement russe éviterait de promouvoir des escalades plus ouvertes et symétriques. Il explique que, de la même manière que l'utilisation d'armes nucléaires entraînerait une forte réaction internationale et un "isolement" de la Russie, des options telles que l'affectation de troupes plus mobilisées et le début d'attaques plus incisives entraîneraient une réaction interne en Russie, avec la chute de la popularité du gouvernement et l'émergence de protestations anti-guerre. Ainsi, face à l'impasse et à la multiplicité des "effets collatéraux", les Russes ne se limiteraient pour l'instant qu'à une stratégie psychologique, sans préciser leurs prochaines étapes. Cependant, l'auteur ne mentionne aucune preuve empirique pour corroborer sa thèse, comme on pouvait s'y attendre.
Galeotti cite également le jeu mental de l'équipe ukrainienne. Il trouve suspect que Kiev ait clairement indiqué à plusieurs reprises qu'elle prévoyait d'attaquer Melitopol. Selon l'analyste, deux conclusions sont possibles: soit l'objectif est de distraire les Russes et de les amener à se concentrer sur la défense de Melitopol tout en se rendant vulnérables dans d'autres zones de la ligne de front; soit il s'agit en fait d'un "double bluff" visant à inciter les Russes à adopter cette stratégie - dans ce scénario, les forces de Moscou n'amélioreraient pas leurs positions à Melitopol, ce qui en ferait une cible plus facile pour Kiev. M. Galeotti n'explique pas lequel de ces deux scénarios est le plus probable, se contentant de souligner qu'il s'agit d'une sorte de machination psychologique.
Ces hypothèses sont importantes, mais elles peuvent devenir de simples suppositions sans fondement si les analyses ne sont pas complétées de manière cohérente. En effet, dans tout conflit, les stratèges tentent de distraire l'ennemi en lui proposant différentes possibilités d'action, ce qui rend difficile le choix de la possibilité sur laquelle miser. Mais cela n'explique pas toutes les actions d'un État sur le champ de bataille, d'autant plus lorsque le conflit implique des forces dont les conditions de combat sont si différentes.
Certes, la Russie tente de semer la confusion chez ses adversaires pour obtenir des avantages militaires, mais ce n'est pas le cas du gouvernement Poutine qui tarde à prendre des décisions incisives sur le champ de bataille. Moscou a été très clair dans ses actions depuis le début de l'opération militaire spéciale, avertissant toujours à l'avance de la possibilité d'une escalade et évitant autant que possible la mise en œuvre de mesures susceptibles d'aggraver le conflit. Rien ne prouve donc que Galeotti ait raison de supposer que l'"indécision" russe est due à une tentative de confondre l'ennemi, d'éviter les réactions internes ou l'isolement diplomatique.
Une autre erreur commise par l'auteur est d'analyser en supposant le point de vue occidental à l'égard de la Russie. Par exemple, l'affirmation selon laquelle Moscou joue une guerre psychologique avec l'Occident en attribuant des armes nucléaires au Belarus n'est pas fondée, car il s'agit également d'une décision souveraine du gouvernement du Belarus lui-même, qui prévoit de défendre son peuple et son territoire face aux menaces et aux provocations étrangères. En outre, les hypothèses concernant la dépendance diplomatique de la Russie à l'égard de la Chine sont tout aussi faibles. Il n'y a pas de "cercle" imposé par Pékin à Moscou - les deux pays coopèrent largement et sans limites pour atteindre des objectifs communs, car ils partagent les mêmes ennemis géopolitiques.
Par ailleurs, pour les Ukrainiens, la question psychologique est exagérée par l'auteur, ainsi que par d'autres experts pro-occidentaux. En fait, Kiev ne fait pas que distraire Moscou en bluffant sur Melitopol, la Crimée et d'autres questions. Kiev essaie simplement de gagner du temps pour rassembler ses forces et planifier une éventuelle réaction. Pour l'instant, aucune action efficace ne semble envisageable du côté ukrainien. La soi-disant "contre-offensive de printemps" a déjà été discréditée, même parmi les généraux ukrainiens et occidentaux. Il est certain qu'il y aura des mouvements, mais rien n'indique une percée significative.
En fait, pour comprendre le niveau psychologique du conflit, il est nécessaire de tenir compte des véritables parties en présence. Il ne s'agit pas d'une guerre entre Moscou et Kiev, mais entre l'Occident collectif et la Russie. Dans ses jeux psychologiques, la partie russe cherche à dissuader l'Occident, et non à désorienter l'armée ukrainienne virtuellement vaincue. En revanche, le gouvernement mandataire de Kiev recourt à des jeux psychologiques, même avec le soutien des médias grand public, parce que c'est sa seule chance de continuer à se battre pour les intérêts occidentaux.
Source : Infobrics
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jeudi, 20 avril 2023
Baerbock en Chine: un éléphant dans le magasin de porcelaine de la politique étrangère
Baerbock en Chine: un éléphant dans le magasin de porcelaine de la politique étrangère
Source: https://www.heimat-kurier.at/2023/04/17/baerbock-in-china-ein-elefant-im-aussenpolitischen-porzellanladen/
L'impérialisme occidental en matière de droits de l'homme plutôt que la défense des intérêts allemands - la visite d'État de la ministre des Affaires étrangères en Chine s'est soldée par des tensions diplomatiques. Au lieu d'entretenir les relations, Baerbock a profité de sa visite pour éructer des leçons de morale. L'affront à la Chine n'est pas resté sans réponse.
En 2021, la Chine était le premier partenaire commercial de la République fédérale pour la sixième année consécutive. Rien que cela devrait être une raison suffisante pour attendre des politiciens allemands qu'ils fassent preuve d'habileté diplomatique. Au lieu de cela, la ministre allemande des Affaires étrangères a opté pour la confrontation morale. La République populaire a répondu à l'affront par une réprimande. Son homologue chinois a finalement refusé de lui serrer la main. Le président Xi Jinping a surpris tout le monde en annulant une rencontre prévue. Une déclaration de guerre "accidentelle", comme celle de Baerbock à l'égard de la Russie, n'a heureusement pas eu lieu.
La Chine n'a "pas besoin de leçons condescendantes"
Lors d'une déclaration commune à la presse avec le ministre chinois des Affaires étrangères Qin Gang, Baerbock a vraiment abordé tous les sujets de friction. Elle a évoqué les violations présumées des droits de l'homme et critiqué les relations de la Chine avec la Russie. Elle a également évoqué de manière menaçante le conflit latent autour de Taïwan. Son homologue chinois n'a pas apprécié la leçon de morale occidentale: "Nous n'avons pas besoin de leçons condescendantes". Il a ajouté que les discussions devaient se dérouler sur un pied d'égalité, dans le respect mutuel.
Un agenda moral plutôt qu'une représentation des intérêts
Le rôle de la politique étrangère devrait en fait être, tout simplement, de défendre les intérêts de l'État. Or, depuis son entrée en fonction, Baerbock mise sur une "politique étrangère féministe". Cette attitude déplacée ne peut que provoquer des conflits inutiles sur la scène politique mondiale. D'autres nations y voient à juste titre une forme d'impérialisme culturel occidental. C'est le cas de la Chine.
En revanche, les médias du système de la République fédérale d'Allemagne applaudissent la "prestation" de Baerbock. En tant que gardiens de la vertu, donner des leçons aux autres nations semble plus important que de mener une politique dans l'intérêt même du peuple allemand. Seuls les hommes politiques de l'AfD ont émis des critiques justifiées. Maximilian Krah, député européen, a qualifié Baerbock d'"éléphant dans un magasin de porcelaine".
La Chine célèbre une percée en matière de politique étrangère
Alors que la "politique étrangère féministe" tarde à porter ses fruits, la Chine, elle, a réalisé une percée remarquable au Moyen-Orient. Les rivaux jurés, l'Iran et l'Arabie saoudite, ont établi à Pékin des relations diplomatiques pour la première fois depuis des années. La stabilisation d'une situation auparavant gravement perturbée s'apparente à une véritable sensation. Le rapprochement des deux puissances régionales pourrait mettre fin à la guerre au Yémen et conduire à une pacification à grande échelle du Moyen-Orient.
L'Occident perd de son importance
Ce succès retentissant a été obtenu sans la participation de "l'Occident" sous la direction américaine. En exportant des chimères idéologiques, les pays occidentaux se mettent de plus en plus à l'écart. Les nations et les peuples étrangers ne veulent pas se laisser imposer l'idéologie libérale. Mais cela n'empêche pas les hommes politiques occidentaux, et en particulier le gouvernement allemand, d'offenser les autres nations avec des leçons de morale déplacées.
C'est l'une des raisons pour lesquelles de plus en plus de nations préfèrent se rapprocher du géant rouge plutôt que de saisir la main de l'Occident, désormais peinte aux couleurs de l'arc-en-ciel. Alors que la Chine permet une politique d'intérêt sobre, les gouvernements libéraux s'obstinent à soumettre idéologiquement leurs partenaires.
20:23 Publié dans Actualité, Affaires européennes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : diplomatie, annalena baerbock, allemagne, chine, occident, politique internationale | |
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Tentative de changement de régime en Géorgie - l'ukrainisation est-elle imminente ?
Tentative de changement de régime en Géorgie - l'ukrainisation est-elle imminente?
Alexander Markovics
Des manifestants lancent des cocktails Molotov sur les policiers. Drapeau européen à la main, ils tentent de prendre d'assaut le Parlement. Ce qui ressemble à un scénario de guerre civile ou à une révolution de couleur, digne d'un livre d'images, s'est déroulé du 6 au 10 mars dans un État du Caucase, la Géorgie. La "pierre d'achoppement" était littéralement une proposition de loi du gouvernement géorgien visant à rendre public le financement étranger des ONG si celles-ci recevaient plus de 20% de leurs fonds de l'étranger. Ces organisations auraient été obligées de donner au ministère de la Justice l'accès à toutes les données, y compris les informations personnelles.
Mais cette démarche, qui est une pratique courante aux États-Unis et dans d'autres pays occidentaux, a été accusée dans ce cas de "tournant autoritaire" par Bruxelles et Washington. L'organisation "Transparency International", qui aurait été la principale concernée par cette loi, a principalement appelé à protester contre cette décision. Ses soutiens, visibles publiquement, appartiennent à une famille géopolitique terriblement occidentalisée : la Commission européenne, l'Open Society Foundation de l'autoproclamé "roi de l'Europe de l'Est" George Soros et l'International Republican Institute, proche du National Endowment for Democracy, qui est lui-même un groupe de réflexion et de révolution financé par les Etats-Unis. Le gouvernement géorgien avait donc toutes les raisons de garder un œil critique sur les nombreuses ONG présentes dans le pays, d'autant plus qu'une révolution de couleur, la "révolution des roses", avait déjà eu lieu en 2003. Celle-ci a non seulement porté Mikhaïl Saakachvili au pouvoir en 2004, mais a également conduit à un réarmement du pays par les États-Unis, qui ont finalement poussé la Géorgie à provoquer la Russie en 2008.
Cela a conduit à la guerre du Caucase de 2008, que la Géorgie a perdue. Grâce notamment à la présidente pro-occidentale de la Géorgie, Salomé Zourabichvili (photo), les manifestants ont finalement obtenu gain de cause et la loi a été retirée. Jusqu'ici, la situation actuelle de la souveraineté géorgienne est décevante. Face aux pressions extérieures, le Premier ministre Irakli Garibashvili met en garde contre l'ukrainisation du pays. Selon lui, ce plan de l'Occident devait conduire à un coup d'État en Géorgie afin d'ouvrir un deuxième front contre la Russie en Géorgie avec un chef de gouvernement docile, dans le but de renverser le sort de la guerre au détriment de la Russie. On va donc bientôt mourir non seulement jusqu'au "dernier Ukrainien", mais aussi jusqu'au "dernier Géorgien" ?
C'est dans ce contexte que la tristement célèbre ministre allemande des Affaires étrangères, Mme Baerbock, s'est rendue en Géorgie afin de mettre le pays sur la voie de l'UE. Mais jusqu'à présent, Bruxelles ne veut pas donner au pays une perspective d'adhésion, les réformes étant trop "lentes". Le gouvernement de Tbilissi, quant à lui, ne semble pas pressé et préfère se libérer progressivement des griffes de l'Occident. Le souvenir de la défaite de la guerre de 2008 est encore trop frais pour que l'on veuille être précipité dans la prochaine guerre. L'avenir de la Géorgie reste donc ouvert.
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Les élections en Turquie auront-elles un impact sur la place de ce pays dans un monde multipolaire ?
Les élections en Turquie auront-elles un impact sur la place de ce pays dans un monde multipolaire ?
Ceyda Karan
Source: https://katehon.com/en/article/will-turkiyes-elections-impact-its-place-multipolar-world?fbclid=IwAR0KrOHugXwmcJqAKhblX71bm5L1egKixOQ5hQ4pNet4SFLT6Yx1j-dMkJ8
Une victoire de l'opposition aux prochaines élections pourrait "occidentaliser" la politique étrangère de la Turquie et perturber le délicat exercice d'équilibre d'Ankara dans le nouvel ordre multipolaire.
Le 14 mai 2023, des élections très attendues, mais néanmoins cruciales, auront lieu en Turquie pour élire le président et les députés. Ces élections sont cruciales pour le président Recep Tayyip Erdogan, dont la réputation politique intérieure a été ternie par sa gestion du tremblement de terre du 6 février, aggravée par une crise économique de plus en plus grave au cours des deux dernières années.
Malgré les manœuvres pragmatiques visant à équilibrer l'Est et l'Ouest, la politique étrangère d'Erdogan est également critiquée. Non seulement le dirigeant turc de longue date est confronté à la plus grande épreuve de sa carrière politique, mais l'orientation future de la Turquie est également susceptible d'être remise en question.
Au cours des deux dernières semaines, plusieurs partis, dont le parti DEVA, le bon parti, le jeune parti, le parti de la libération du peuple, le parti de la gauche, le parti de la patrie et le parti de la résurrection, se sont opposés à la candidature d'Erdogan.
Cette objection a rallié les nationalistes, les socialistes, le centre-droit, les islamistes, les kémalistes et les "sept dissemblances" de la politique turque.
Le principal parti d'opposition, le Parti républicain du peuple (CHP), qui est le parti fondateur de la Turquie, n'a pas tenté de s'opposer à la candidature d'Erdogan.
Candidature d'Erdogan à un troisième mandat
D'éminents juristes expliquent qu'en vertu de l'article 101 de la Constitution turque, en vigueur depuis 2007, "une personne ne peut être élue président que deux fois au maximum". Erdogan a été élu en 2014 et en 2018, et il a déjà effectué deux mandats.
La seule exception à l'article 101 serait si le parlement décidait de renouveler les élections. Cependant, le parti Justice et Développement (AKP) d'Erdogan ne se réfère pas à la Constitution, mais au Conseil électoral suprême (YSK), dont les pouvoirs sont limités à l'administration générale et à la supervision des élections.
L'AKP affirme que les modifications techniques du "système de gouvernement présidentiel", introduites lors du référendum controversé de 2017 au cours duquel le YSK a reconnu les votes non scellés comme étant valides, rendent la candidature d'Erdogan possible. En d'autres termes, même si la Constitution reste en place, le premier mandat d'Erdogan ne compte pas.
Par le passé, Erdogan a déclaré "nous ne reconnaissons pas" les décisions de la Cour constitutionnelle. En fait, l'élection de la municipalité métropolitaine d'Istanbul, qui a battu son parti à plate couture en 2019, a été répétée sans aucune base juridique. Le résultat a été une défaite encore plus importante pour l'AKP.
En bref, le CHP a accepté la troisième nomination d'Erdogan sur la base de ses antécédents en matière de respect de la loi écrite. Le fait d'insister sur le contraire pourrait jouer dans le "récit de victimisation" qu'il a effectivement utilisé au cours des deux dernières décennies.
Le Conseil électoral suprême a récemment annoncé les candidats à la présidence qui s'affronteront le 14 mai :
Erdogan se présente en tant que candidat de l'"Alliance du peuple (Cumhur)", qui comprend l'AKP, le Parti du mouvement nationaliste (MHP), le Parti de la grande unité (BBP), le Nouveau parti de la prospérité (YRP) et l'HUDA-PAR.
Kemal Kilicdaroglu, quant à lui, se présente comme le candidat de l'"Alliance de la Nation (Millet)", qui comprend le CHP, le Bon Parti, le Parti de la Félicité (SAADET), le Parti Démocratique (DP), le Parti de la Démocratie et du Progrès (DEVA) et le Parti de l'Avenir (GP). Cette alliance électorale est également connue sous le nom de coalition de la "table des six".
Outre ces deux principaux rivaux, il y a deux autres candidats : Muharrem Ince et Sinan Ogan. Ince était le candidat commun de l'opposition en 2018, mais il a quitté le CHP après avoir perdu face à Erdogan, et il a maintenant fondé le Parti de la patrie.
Ogan, un ancien député, a été exclu du MHP, le partenaire d'Erdogan, en 2017 et se présente en tant que candidat de l'Alliance Ata, qui réunit quatre petits partis nationalistes et kémalistes de droite.
Erdogan est confronté à un défi de taille cette fois-ci, car les sondages donnent Kilicdaroglu en tête avec 2,5 à 5 points d'avance. La possibilité d'un second tour est également envisagée en raison du facteur Muharrem Ince.
Alliances inattendues
Bien que les petits partis disparates de la politique turque n'apprécient pas l'"Alliance nationale", ils soutiennent principalement Kilicdaroglu pour éjecter Erdogan après deux décennies de règne.
La principale opposition turque de la "Table des Six" a finalement réussi à s'unir derrière Kilicdaroglu après de douloureuses discussions, mais un facteur encore plus critique favorisant son éligibilité est le parti pro-kurde de la démocratie des peuples (HDP), qui soutient indirectement Kilicdaroglu (sous la menace d'être fermé) en ne présentant pas son propre candidat.
Les 9 à 13 % de voix du HDP sont particulièrement importants, car ils ont obligé Erdogan à élargir son alliance d'une manière surprenante.
Au début des années 2000, Erdogan et l'AKP ont émergé du "Parti du bien-être" de la Vision nationale de Necmettin Erbakan, qui avait été la marque de fabrique de l'islamisme turc au 20e siècle. Un an avant sa mort, Erbakan, un important mentor de l'actuel président turc, a critiqué Erdogan pour être "le caissier du sionisme".
Fin mars, son fils Fatih Erbakan, chef du Nouveau parti du bien-être, qu'il a fondé sur la base de l'héritage de son père, a refusé de rejoindre l'Alliance populaire d'Erdogan en invoquant des "principes", mais a capitulé peu après pour rejoindre son vieil ennemi. Cependant, le parti Felicity (SAADET), dont les racines se trouvent également dans la Vision nationale d'Erkaban père, s'est aligné sur l'Alliance nationale de Kilicdaroglu.
Mais l'initiative la plus frappante d'Erdogan pour élargir son alliance est venue du HUDA-PAR, que les experts politiques associent au "Hezbollah turc" ou "Hezbollah kurde", un mouvement soutenu par l'État qui a perpétré des attentats terroristes dans le sud-est de la Turquie à la fin des années 1980 et dans les années 1990.
"La philosophie, les convictions et les fondateurs [de l'HUDA-PAR] sont exactement les mêmes" que ceux du Hezbollah turc, déclare Hanefi Avci, chef de police à la retraite de renommée nationale. Ce dernier, dès sa création, a été officiellement désigné comme une organisation terroriste, et nombre de ses associations affiliées ont été systématiquement fermées. Parfois confondu avec l'organisation de résistance chiite libanaise Hezbollah, le mouvement turc est aux antipodes : il est au contraire fortement imprégné de l'idéologie des extrémistes religieux kurdes sunnites.
L'inclusion de l'HUDA-PAR dans l'alliance d'Erdogan a soulevé des questions au sein de l'opinion publique turque quant à ses motivations, les avis divergeant à ce sujet. Certains pensent qu'Erdogan tente de séduire les Kurdes religieux, tandis que d'autres voient dans son alliance avec ce parti très controversé un signe de son désespoir électoral. Le parti ne représentant pas un nombre significatif d'électeurs, on ne sait pas encore pourquoi le président turc s'est lancé dans une telle aventure.
Promesses populistes et manœuvres de politique étrangère
Les précédentes victoires électorales d'Erdogan étaient en grande partie dues à ses tactiques agressives, mais après 20 ans, cette approche n'est plus fiable. L'effondrement de la livre turque - déclenché par la décision d'Erdogan de réduire les taux d'intérêt fin 2021 sur la base de la règle islamique du "nas" - et l'inflation, qui a atteint 70 % et, officieusement, 140 %, sont des problèmes majeurs pour l'électeur turc moyen. Les tremblements de terre dévastateurs qui ont eu lieu le 6 février ont encore plus déstabilisé l'économie turque.
Pour tenter de regagner des soutiens, Erdogan axe sa campagne sur des promesses de reconstruction. Il a mis en œuvre des politiques économiques populistes telles que l'augmentation du salaire minimum, qui est la principale source de revenus pour environ 60 % des Turcs, et l'augmentation des salaires des fonctionnaires et des pensions.
Erdogan est connu pour sa capacité à utiliser habilement la politique étrangère de la Turquie comme un outil pour atteindre des objectifs de politique intérieure et extérieure. Toutefois, ces dernières années, les perspectives économiques de la Turquie ont mis à mal les calculs de politique étrangère d'Erdogan.
Depuis l'effondrement des projets néo-ottomans soutenus par les États-Unis en Asie occidentale et en Afrique du Nord, Erdogan a cherché des approches plus pragmatiques qui donnent la priorité à la realpolitik plutôt qu'à l'idéologie. Le président turc a fait marche arrière sur un certain nombre de questions, notamment la réconciliation avec les dirigeants régionaux qu'il a publiquement dénigrés et l'adoption d'une position neutre dans la crise ukrainienne entre les États-Unis et la Russie.
Les efforts d'Erdogan ont parfois eu des effets positifs immédiats : En améliorant leurs relations avec l'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, les deux pays ont investi des milliards de dollars en Turquie, même si les détails de ces accords restent flous.
Erdogan a également fait amende honorable avec le président égyptien Abdel Fattah al-Sisi, qu'il avait précédemment accusé d'avoir orchestré un coup d'État contre le gouvernement élu dirigé par les Frères musulmans. Ces réconciliations ont donné lieu à des négociations sur des questions liées à la confrérie et à la Libye.
Les défis de la politique étrangère d'Erdogan
Les relations avec la Russie et la Syrie restent toutefois deux des questions les plus épineuses pour Ankara, principalement parce qu'elles placent la Turquie dans le collimateur des principaux objectifs de politique étrangère de Washington.
Les intérêts en jeu sont on ne peut plus clairs : la Turquie dépend de la Russie pour l'énergie et le tourisme, tandis que la Russie a besoin de la Turquie pour atténuer l'impact des sanctions américaines.
Malgré les efforts de pragmatisme d'Erdogan en matière de politique étrangère, ses tentatives de réconciliation avec le dirigeant syrien Bashar al-Assad se sont enlisées en raison des objections des États-Unis et des conditions posées par Damas. Bien qu'Erdogan ait fait part de sa volonté de se réconcilier avec Assad en novembre dernier, la question n'a pas beaucoup progressé, malgré des réunions de haut niveau entre leurs responsables, sous la médiation de la Russie.
Les ministres de la défense turc et syrien se sont rencontrés à Moscou en décembre 2022, et si leurs vice-ministres des affaires étrangères respectifs se sont brièvement rencontrés les 3 et 4 avril, les réunions officielles de haut niveau ne se sont pas encore concrétisées. C'est le signe que la volonté politique ou les conditions de terrain ne sont pas encore réunies pour accélérer la diplomatie, d'un côté comme de l'autre.
Cela est dû en grande partie à la ligne rouge syrienne qui exige l'évacuation de toutes les troupes turques du sol syrien avant que les pourparlers de rapprochement ne progressent. Pourtant, lors d'une réunion avec son homologue russe Sergey Shoigu, le ministre turc de la défense Hulusi Akar a encore affirmé que la présence militaire turque en Syrie était destinée à la "lutte contre le terrorisme", au "maintien de la paix" et à l'"aide humanitaire".
Certains commentateurs estiment qu'il sera difficile pour l'armée turque de se retirer de Syrie et de satisfaire aux conditions d'Assad en raison de l'activité continue des milices séparatistes kurdes dans le nord du pays et des problèmes posés par les organisations islamistes radicales soutenues par la Turquie à Idlib.
Même la rhétorique d'Erdogan sur le rapatriement des trois millions de réfugiés syriens a perdu de sa crédibilité en raison de l'emploi de cette main-d'œuvre bon marché par des chefs d'entreprise liés à l'AKP. Tous ces facteurs font qu'il est de plus en plus difficile pour Erdogan de réussir sa politique étrangère avant les élections de mai.
Engin Solakoglu, diplomate turc à la retraite, explique à The Cradle que si l'AKP a pu étendre l'autonomie de sa politique étrangère en raison de l'affaiblissement de l'influence régionale des États-Unis, il opère toujours dans le cadre des relations existantes de la Turquie avec l'Occident : "Les fonds dont l'économie turque a chroniquement besoin proviennent principalement des centres financiers européens", explique-t-il.
Selon le professeur Behlul Ozkan, si les pays de taille moyenne comme la Turquie ont la capacité d'agir parfois de manière indépendante en matière de politique étrangère, la vision du monde d'Erdogan ne penche pas vers l'eurasisme, comme le prétendent souvent les experts occidentaux et orientaux.
Ozkan souligne le rôle important joué par l'Occident dans l'économie turque au cours des deux dernières décennies :
"Si Erdogan et l'AKP remportent les élections, il est fort possible que la Turquie devienne encore plus dépendante de l'Occident pour sortir de sa crise économique. Le rôle de l'AKP pour la Turquie est d'être le gendarme de l'Occident dans la région, comme il l'était pendant la guerre froide".
La vision du monde de l'opposition
Au lieu de tirer parti des contraintes et des vulnérabilités d'Erdogan en matière de politique étrangère, l'opposition multipartite a présenté un "protocole d'accord commun" peu convaincant, qui n'aborde guère son programme extérieur. Plus de platitudes que de substance, l'opposition met l'accent sur un principe de "paix à la maison, paix dans le monde" et affirme que l'intérêt national et la sécurité seront à la base de ses politiques.
Le document indique également que "les relations avec les États-Unis devraient être institutionnalisées dans le cadre d'une entente entre égaux", alors que la Russie n'est mentionnée qu'à deux reprises. Il convient également de noter que le CHP a récemment rappelé à Moscou que la Turquie est "un pays de l'OTAN".
Selon Hazal Yalin, chercheur et écrivain spécialisé dans les affaires russes, l'incapacité de la bourgeoisie turque à rompre les liens avec l'impérialisme occidental rend difficile la communication de l'opposition turque avec la Russie. Comme il l'explique à The Cradle :
"La Russie a la possibilité de poursuivre ses relations interétatiques avec la Turquie, comme avec n'importe quel autre pays, quel que soit le parti au pouvoir ; par conséquent, dans l'éventualité d'un changement de pouvoir, elle peut faire comme si rien ne s'était passé".
Malgré la possibilité que l'alliance d'opposition poursuive des politiques plus orientées vers l'Occident, le professeur Ozkan pense qu'elle adoptera une approche plus pacifique dans la région par rapport à l'AKP :
"L'établissement de relations diplomatiques avec la Syrie est la première priorité. La présence militaire turque en Syrie sera progressivement réduite, probablement en contact avec d'autres puissances régionales, et l'intégrité territoriale sera restaurée en coopération avec Damas".
Ozkan ajoute : "Il n'est pas possible de prendre une décision :
"Il n'est pas possible de prendre une mesure similaire avec l'AKP. Tant que l'AKP restera au pouvoir, il voudra maintenir sa présence militaire et la poursuite du conflit en Syrie comme monnaie d'échange avec l'Occident et la Russie, et en tirer profit."
Certaines choses ne changeront jamais
Toutefois, M. Solakoglu, diplomate à la retraite, estime que même si l'opposition l'emporte, il est peu probable qu'elle renonce à l'autonomie en matière de politique étrangère acquise sous le régime de l'AKP :
"Je ne pense pas que la présence militaire en Syrie, en Irak et en Libye disparaîtra soudainement. De même, je ne pense pas que le gouvernement Kilicdaroglu adoptera une position [différente] en Méditerranée orientale, sur la question de la 'patrie bleue' et sur Chypre. Sur ces questions, ils sont les mêmes que l'AKP. "
Le professeur Baris Doster ne prévoit pas de changement significatif dans les politiques d'Erdogan, malgré son nouveau pragmatisme. "Si l'opposition gagne les élections", dit-il, "les réalités et les relations économiques de la Turquie continueront à ralentir même si elle veut se tourner vers l'ouest".
Quel que soit le résultat des élections, il est peu probable que la Turquie rompe ses liens avec l'Occident. Alors que certains affirment qu'Ankara devrait s'adapter à la tendance mondiale multipolaire, la Turquie est toujours un membre à part entière de l'alliance militaire de l'OTAN, ce qui créera certainement des obstacles à l'adhésion à l'Organisation de coopération de Shanghai (OCS) dirigée par la Chine - comme Erdogan a périodiquement menacé de le faire.
Mais cela n'empêche pas la Turquie de rejoindre les BRICS+ élargis, l'initiative chinoise Belt and Road (BRI), les institutions économiques eurasiatiques et/ou les mégaprojets de connectivité terre-rail-eau. La question est de savoir si les prochaines élections - quels que soient leurs résultats - peuvent mettre sur la touche ou réorienter la multipolarité qui a déjà balayé toutes les institutions turques.
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mercredi, 19 avril 2023
Un an après le déclenchement de la guerre en Ukraine - Sur le fil du rasoir
Un an après le déclenchement de la guerre en Ukraine
Sur le fil du rasoir
Il ne faut pas présenter la partie adverse comme on l'est soi-même
par Peter Backfisch
Le 24 février 2023 a marqué l'anniversaire du début de la guerre en Ukraine. Soyons clairs: l'attaque de février 2022 a été menée par la Russie ! Toutefois, les deux parties, ainsi que des tiers non impliqués dans les combats, jouent un jeu malsain. La situation doit rester bloquée. Le gouvernement allemand, qui n'est pas une victime de la guerre et qui n'a jamais été menacé, s'est joint dès le début aux cris de guerre de l'OTAN et a ainsi aggravé la situation. Le parti "Bündnis 90/Die Grünen" s'est montré particulièrement excessif. Fondé à la fin des années 1970 en tant que parti pour la paix, entre autres contre la décision de réarmement de l'OTAN, il a parcouru les campagnes allemandes pendant des années avec le slogan "Faire la paix sans armes" ("Frieden schaffen ohne Waffen"). Lors des élections fédérales de 2021, il a présenté sur des panneaux d'affichage géants la promesse électorale "Pas d'armes dans les zones de guerre", sous le portrait d'Annalena Baerbock, autoproclamée "spécialiste du droit international" et future ministre des Affaires étrangères. Depuis, le slogan a changé et est devenu "Construire la paix grâce aux méga-armes".
Créer la paix sans armes (*)
(*) Les exceptions confirment la règle
L'Allemagne, qui a perdu deux guerres mondiales et étaient en ruines en 1945, se voit aujourd'hui à nouveau placée dans une situation qui tend à reproduire le traumatisme d'alors - avec une nouvelle génération de politiciens. On les appelle les "Global Leaders", ce qui indique clairement par quoi ou par qui ils sont dirigés. Le mot a été créé par Klaus Schwab et son Forum économique mondial (WEF). Les jeunes parvenus, enfants gâtés, sont à son service et mettent en pratique le contenu de son livre "COVID-19 - The Great Reset", paru en 2020. Il n'est toutefois pas nécessaire d'aborder ce livre dans le présent article.
Depuis le début, ces politiciens ont fait leur la demande de livraison d'armes au président ukrainien Volodymyr Zelenskyj et ont tout fait pour y répondre immédiatement. Ils ont même accepté l'éventualité d'une guerre nucléaire, la population étant verbalement rassurée par les médias : "Poutine n'osera pas le faire après tout".
Il s'avère d'ores et déjà que les livraisons d'armes ont développé une dynamique propre et sans fin. L'OTAN, sous la pression des États-Unis, a commencé à livrer des systèmes d'artillerie à longue portée très rapidement après le début de la guerre, suivis d'une promesse d'armes lourdes. Les promesses concernant le char de combat Leopard 2 ont laissé place à la question de savoir si l'OTAN n'était pas déjà en guerre. Une extension aux avions de combat est en discussion.
Mais Zelenskyj ne veut pas en rester là et demande que des armes nucléaires soient mises à la disposition de l'Ukraine. Dans le journal suisse Weltwoche du 17 juin 2022, l'expert militaire américain Douglas McGregor a qualifié les livraisons d'armes d'inutiles. Selon lui, les armes ne servent qu'à prolonger la guerre. C'est là un point de vue qui ne peut être toléré dans le débat politique en Allemagne par l'establishment libéral-gauche-vert au pouvoir. Les points de vue différenciés sont punis par le matraquage médiatique et l'exclusion sociale - mais les causes qui, elles, doivent être recherchées dans la politique d'élargissement continu de l'OTAN vers l'Est ne sont pas traitées par les médias.
Prélude à la Première Guerre mondiale
Il n'est pas possible de comparer la guerre en Ukraine à la Première Guerre mondiale, car la Première Guerre mondiale était une guerre de position et de tranchées sans victoire sur le terrain et la guerre en Ukraine est plutôt une guerre de dommages collatéraux chez les belligérants respectifs et chez les personnes non directement impliquées. Mais si l'on se penche sur les antécédents de la Première Guerre mondiale, force est de constater que ceux du conflit russo-ukrainien présentent des similitudes. Comme à l'époque, ce dernier a toutes les chances de mener le monde à un nouveau désastre épouvantable.
Le gouvernement allemand joue à nouveau un rôle majeur, mais cette fois-ci, il veut être parmi les vainqueurs et est prêt à prendre la tête des belligérants européens. Encouragés par les médias, ils font preuve de patriotisme guerrier et sont prêts à faire la guerre.
Le gouvernement allemand ne se rend pas compte que, du point de vue géopolitique de l'OTAN, il ne peut en aucun cas agir de manière indépendante et qu'il joue plutôt le rôle de vassal des États-Unis. Ce qui est frappant ici, c'est l'auto-justification mensongère et la haine aveugle contre la Russie.
Revenons aux leçons à tirer du déclenchement de la Première Guerre mondiale. Dans son ouvrage "Die Schlafwandler" ("Les somnanbules", 2014), l'historien australien Christopher Clark en a décrit minutieusement les antécédents. A l'époque aussi, les responsables vivaient dans un monde complexe où régnaient la méfiance et l'hostilité mutuelles. Les projets d'élargissement et d'expansion ont alimenté les aspirations de l'époque, conduisant à une situation où une étincelle suffisait à déclencher la guerre - ce qui, comme chacun sait, s'est produit. A l'époque, les regards se tournaient vers les foyers de crise dans les Balkans, dans le but d'affaiblir l'Allemagne et l'Autriche-Hongrie.
Dans le langage d'aujourd'hui, on pourrait appeler cela un "déclassement en tant que puissance régionale". De la même manière, on parle actuellement de la Russie, la situation dans le Donbass remplaçant celle des Balkans vers 1912/14. La Crimée joue son propre rôle et ne pourra probablement pas être abandonnée par la Russie, même en cas d'accord de paix. La Russie, la France, et la Grande-Bretagne sont entrées en guerre en 1914 avec des plans de conquête, toujours soucieuses de pouvoir attribuer la véritable responsabilité de la guerre à l'Allemagne: "L'Allemagne était belliqueuse, l'Entente pacifique". Nous retrouvons aujourd'hui une propagande similaire dans la guerre Russie-Ukraine. Une fois de plus, les responsables marchent sur le fil du rasoir, sans vision claire.
L'histoire du début de la Seconde Guerre mondiale, qui a connu un premier point culminant à Stalingrad, témoigne également d'une mauvaise volonté ou plutôt d'une incapacité à rechercher des solutions diplomatiques. Nous recommandons ici la lecture du livre du général à la retraite Gerd Schulze-Rohnhof "1939 - Der Krieg, der viele Väter hatte" (2005). Avec une arrogance hautaine, le gouvernement polonais a tenté de mettre sur le compte de l'Allemagne ses propres nombreuses provocations du printemps 1939 à l'égard des minorités allemandes ; cela a trouvé un terrain fertile en Angleterre et en France. A l'époque également, il n'y avait pas de volonté de négocier, ce qui a plongé toute l'Europe dans le chaos.
Pour éviter que le monde ne soit à nouveau plongé dans une telle catastrophe, il faut ouvrir des espaces de liberté et de négociation. Immédiatement, "dès aujourd'hui" (Roger Waters, début février au Conseil de sécurité de l'ONU) !
Peter Backfisch, né en 1954, est diplômé en pédagogie et travaille depuis 40 ans pour une ONG d'économie sociale. Il y est également conseiller du comité directeur pour la politique internationale. Il a également travaillé en Afrique du Nord, au Moyen-Orient, au Proche-Orient et dans les pays de la CEI jusqu'en 2004. Depuis 2019, il écrit en tant qu'auteur indépendant, par exemple pour Junge Freiheit, Abendland, Wochenblick, Attersee Report et Tumult online.
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Alexandre Douguine: Poutine grand dirigeant et "l'après-Poutine"
Poutine grand dirigeant et "l'après-Poutine"
Alexandre Douguine
Source: https://katehon.com/ru/article/putin-kak-velikiy-pravitel-i-posle-putin
Poutine ne dépend pas de l'élite russe, des partis politiques, des cartels oligarchiques, des mouvements sociaux, des institutions et de toute instance administrative en Russie. Ils dépendent tous de lui. Mais, en revanche, il dépend certainement de la géopolitique, du peuple et de la civilisation.
Tendances politiques au cours de la première année de l'Opération militaire spéciale (OMS)
L'analyse des transformations politiques en Russie au cours de la période de l'OMS est assez claire. Après des fluctuations initiales - avancée/recul - une tendance régulière et facilement vérifiable s'est dessinée, tant dans les combats eux-mêmes que dans la politique intérieure. Le lien entre la campagne militaire en Ukraine et dans les territoires de la "Nouvelle Russie"/Novorossiya et les processus politiques internes en Russie est évident. Cela ne correspond guère à l'opposition trop marquée "loyal/traitre" reflétée dans l'image "avancée/retraite", mais il existe certainement une corrélation directe entre les événements sur les fronts et le degré et l'intensité du patriotisme au sein de l'État et de la société. En fait, nous devrions parler de traîtres au sens plein du terme au sein des dirigeants de la Fédération de Russie avec une grande prudence, et seulement lorsque nous avons des certitudes, et non pas lorsque nous n'avons que certains soupçons à ce sujet. Dans des conditions de guerre, de telles étiquettes ne doivent pas être lancées à tout bout de champ. À en juger par les fuites du Pentagone, l'ennemi est trop bien informé de l'état des choses au sein de la direction de l'armée russe elle-même pour que les choses soient claires ici. Mais cette question devrait être traitée par d'autres structures spécialement conçues à cet effet, à savoir le contre-espionnage. Il serait plus correct d'exclure les traîtres directs de l'équation, du moins dans cette analyse de la situation. Bien sûr, il y a des gens au pouvoir, surtout les partisans directs du rapprochement inconditionnel avec l'Occident, préconisé par Gorbatchev et Eltsine, qui voudraient mettre fin à la guerre pour n'importe quelle raison. Mais ils ne peuvent pas en parler directement et s'ils commencent ouvertement à faire quelque chose dans ce sens, les conséquences seront assez dures. Tous ceux qui pensent de manière responsable au pouvoir se rendent compte qu'il est tout simplement impossible d'arrêter l'OMS dans l'état où elle se trouve. Et ce, pour plusieurs raisons. L'Occident est farouchement opposé à cet arrêt et le régime nazi de Kiev le percevra comme une capitulation. En outre, la société le percevra comme un discrédit total des autorités, et le système politique s'effondrera tout simplement. Par conséquent, seul un traître, un ennemi de la Russie - du peuple et de l'État - voudrait la paix dans de telles circonstances.
Cependant, le processus de patriotisation de la société est extrêmement lent. Et encore une fois, tout aussi lent que notre avancée vers l'Occident. Il existe une interconnexion étonnante: le début de l'OMS - un élan de patriotisme, puis des tentatives de repli - une mobilisation retardée, puis un recul général - puis un changement de relations publiques, puis une percée (l'acceptation de quatre nouvelles entités territoriales en Russie, la mobilisation, la nomination de Sourovikine) et, enfin, la stabilisation de la situation. Ainsi, après une période d'hésitations, de retards et même de reculs, nous avons atteint, après plus d'un an d'OMS, un vecteur stable de patriotisme cohérent, bien qu'encore extrêmement lent et modéré.
Dans un avenir proche, la Russie sera apparemment confrontée à un test sérieux - une contre-offensive du régime de Kiev dans une ou plusieurs directions à la fois. Et tout naturellement, le courant patriotique risque de porter un coup symétrique à la Russie elle-même. Une fois que nous aurons résisté à l'attaque et l'aurons repoussée, le processus de patriotisation de la société et les réformes idéologiques et politiques de grande ampleur prendront un nouvel élan. Il est probable que notre propre offensive contre l'ennemi s'accélérera de la même manière. Par conséquent, l'année décisive 2023 sera déterminée par l'image de notre avenir : ce que la Russie devrait être au prochain tournant de son existence historique.
Les étapes de l'histoire moderne de la Russie : de la colonie à la grande puissance
La Fédération de Russie a émergé des ruines d'une grande puissance en 1991. Au cours de la première décennie, le pays a été soumis à un contrôle étranger et a commencé à s'effondrer complètement. Les pires - pilleurs, traîtres, agents de l'influence occidentale, généralement appelés "libéraux" - ont pris le pouvoir. C'est la première phase de l'histoire récente de la Russie.
Poutine, arrivé au pouvoir en 2000, a ralenti le processus de désintégration et a insisté de plus en plus sur la souveraineté. Pour une raison ou une autre, il a laissé intact le noyau principal de l'élite des années 1990, n'éliminant que les personnes les plus odieuses et les plus turbulentes. Les 23 années de règne de Poutine qui ont précédé l'OMS ont constitué la deuxième phase.
Après le début de l'OMS, la troisième phase a commencé: un véritable tournant patriotique où l'on est passé de la souveraineté de l'État à la souveraineté de la civilisation (russe). Poutine a tracé cette voie, mais elle ne s'est pas encore pleinement concrétisée. Elle mûrira et s'établira définitivement après l'épreuve d'une probable contre-attaque des nazis de Kiev. À ce moment-là, les élites seront inévitablement purgées et remplacées - les vrais héros viendront du front et remplaceront naturellement le noyau libéral corrompu.
Le cap de Poutine et les facteurs objectifs : géopolitique, société, civilisation
De nombreux observateurs ont l'impression que l'orientation vers la souveraineté de l'État, dès le début du règne de Poutine, et l'orientation qu'il a définie après le début de l'OMS pour affirmer l'identité de la civilisation russe eurasienne, ont été des décisions exclusivement prises par Poutine lui-même, par Poutine en tant qu'individu. Sa décision a été soutenue par la société, par la majorité, et l'élite n'a eu d'autre choix que de suivre le président. Certains ont fui, d'autres se sont cachés, espérant survivre au désastre et revenir à l'algorithme habituel, mais la majorité a tout de même accepté les conditions et exprimé - certains plus bruyamment et plus clairement, d'autres plus discrètement et plus confusément - sa loyauté envers le nouveau cours.
Cette personnification de la décision de lancer l'OMS a donné lieu à un certain nombre d'attitudes politiques, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de la Russie. Si l'OMS = Poutine, alors tout peut se reproduire après Poutine. Il peut rester au pouvoir "indéfiniment", le peuple et la société ne peuvent que le soutenir dans cette démarche. Mais il peut aussi remettre le pouvoir - et encore - à qui il veut. Il est totalement libre de faire ce qu'il veut. Cette souveraineté absolue du chef suprême génère un cercle d'espoir pour l'ennemi associé à l'ère "post-Poutine", et à l'intérieur - parmi les élites russes elles-mêmes - elle alimente également les attentes, dans lesquelles chacun place ses propres intérêts.
C'est ici qu'il convient de faire quelques ajustements. Oui, Poutine est absolument et infiniment libre par rapport au système politique russe. Il ne dépend de personne et a concentré tous les pouvoirs entre ses mains. Mais il n'est pas libre
- d'ignorer les lois de la géopolitique et, en particulier, celles de la stratégie de l'Occident qui cherche désespérément à maintenir l'unipolarité et à priver la Russie de son statut de pôle du monde multipolaire;
- d'ignorer aussi la structure des attentes et des valeurs des grandes masses populaires;
- d'ignorer la logique civilisationnelle de l'histoire russe elle-même.
C'est précisément la raison pour laquelle Poutine poursuit le type de politique étrangère qu'il mène, en répondant symétriquement par la géopolitique eurasienne aux pressions de l'atlantisme géopolitique (OTAN, Occident collectif). C'est la première démarche à parfaire. Il ne dispose pas de tous les pouvoirs, il lutte désespérément pour que la Russie ne soit que l'un des pôles du monde multipolaire et non un nouvel hégémon. Mais même cela est nié par l'Occident, ce qui explique la consolidation de la cohésion entre les pays de l'OTAN (à l'exception de la Hongrie et de la Turquie) contre la Russie dans la guerre d'Ukraine. Et il n'y a là rien de personnel: la géopolitique n'a pas été inventée par Poutine, il a dirigé le Heartland, le noyau de la civilisation terrestre, l'Eurasie, et il est obligé de suivre la logique géopolitique de cette partie du monde. Toute tentative de se plier à l'atlantisme, comme nous l'avons vu dans les années 1990 sous l'ère Eltsine, ne conduirait qu'à une plus grande désintégration de la Russie. Par conséquent, l'État russe, qui veut être un sujet de la géopolitique et non son objet, n'a tout simplement pas d'autre choix que de se confronter à l'Occident. Poutine a retardé cette confrontation autant qu'il le pouvait, et s'y est engagé ouvertement au tout dernier moment. Il n'a pas pris la décision de lancer une OMS, la Russie y a été contrainte par le comportement de l'Occident.
Deuxièmement, Poutine n'est pas exempt du soutien de la population. S'il s'est imposé au pouvoir, c'est précisément parce que sa ligne de conduite - du moins en matière de souveraineté et de patriotisme - a été parfaitement cohérente avec les principales priorités et aspirations des grandes masses populaires. Oui, le peuple voulait aussi la justice sociale, mais comparé à Eltsine, où il n'y avait ni justice ni patriotisme, il y avait généralement assez de patriotisme. Poutine a correctement et très rationnellement calculé que le fait de s'appuyer sur les larges masses lui apporte un soutien inconditionnel et lui permet de se délier les mains en matière de politique intérieure. En revanche, miser sur les libéraux, c'est-à-dire sur la population urbaine (principalement métropolitaine) tournée vers l'Occident et misant sur l'oligarchie, le rendrait complètement dépendant des groupes rivaux, des lobbies, des segments politiques et, en fin de compte, de l'Occident. Le peuple, quant à lui, n'exige personne en particulier. Mais il demande légitimement à Poutine de rendre à la Russie son indépendance et sa grandeur. Ce que fait Poutine.
Troisièmement : Poutine ne gouverne pas dans le vide, mais dans le contexte et la logique de l'histoire russe. Celle-ci suggère que la Russie est une civilisation indépendante, qui ne fait pas partie du monde occidental, ce que Poutine a partiellement accepté au début de son règne. Les penseurs conservateurs de la Russie tsariste, des slavophiles et de Tioutchev aux idéologues de l'âge d'argent, en passant par les bolcheviks eux-mêmes, ont toujours opposé la Russie à l'Occident, que ce soit à droite ou à gauche, pour des raisons différentes. Les conservateurs insistaient sur l'identité russe, tandis que les bolcheviks insistaient sur les oppositions de deux systèmes socio-économiques irréconciliables. Dès que Poutine cite Dostoïevski ou Ilyine, ou dit quelque chose de neutre et de positif sur Staline, tout en critiquant sévèrement l'Occident - jusqu'à affirmer qu'il s'agit d'une "civilisation satanique" - il apparaît comme un maillon légitime de la chaîne des grands dirigeants du monde russe. Les tentatives d'élaboration d'une politique alternative - pro-occidentale et libérale - suscitent une profonde haine populaire, que l'on retrouve dans l'attitude de l'opinion publique à l'égard de Gorbatchev et d'Eltsine.
Poutine ne dépend pas de l'élite russe, des partis politiques, des cartels oligarchiques, des mouvements sociaux, des institutions et de toute instance administrative en Russie. Ils dépendent tous de lui. Mais il dépend bel et bien de la géopolitique, du peuple et de la civilisation. Et tout à fait en accord avec leurs attentes, leur logique et leurs structures sous-jacentes.
L'après-Poutine
Dans cette perspective, l'horizon futur, que l'on peut classiquement qualifier d'"après Poutine", se présente sous des traits très différents. Le statut de Poutine - précisément en raison de la cohérence avec les trois facteurs cruciaux, et sur la base des mesures réelles qu'il a prises et des résultats réels qu'il a obtenus - est pratiquement inébranlable. Il est tellement en résonance avec ces paramètres objectifs qu'il s'en affranchit en partie lui-même. Le cas de la "justice", qui fait manifestement défaut sous Poutine, en dit long: le peuple est prêt à fermer les yeux même sur ce point (même si cela lui fait de la peine), face à d'autres aspects du régime de Poutine fondés sur des principes. Même avec l'Occident, Poutine peut calibrer la chaleur de l'hostilité, parce que le public lui fait confiance et qu'il n'a pas besoin de prouver son patriotisme à chaque fois - personne n'a plus de doutes à ce sujet.
Mais l'"après Poutine" - et avec n'importe quel successeur - il n'en sera pas ainsi. Le pouvoir de Poutine suffira à remettre n'importe qui à sa place. Cela sera accepté par tous. Mais au-delà, la figure de cet "après-Poutine" sera beaucoup moins libre d'agir que lui.
En même temps, il est absolument impossible d'imaginer que l'hypothétique successeur - quel qu'il soit - tente de s'écarter du cap géopolitique, du patriotisme et de l'identité civilisationnelle de la Russie. C'est Poutine qui est encore un peu libre à cet égard. Mais son successeur ne sera pas libre du tout. Dès qu'il relâchera un tant soit peu ses efforts dans cette direction, ses positions seront immédiatement affaiblies, sa légitimité sera ébranlée, et les figures et les forces qui seront plus en phase avec les défis historiques émergeront naturellement à ses côtés, plutôt qu'un successeur hésitant. Le "post-Poutine" doit encore faire ses preuves en tant que digne successeur de Poutine et gagner sa légitimité en matière de géopolitique, de patriotisme (incluant cette fois la justice sociale) et de renaissance du monde russe. Poutine a gagné ses guerres, ou les a déclenchées de manière décisive. L'"après-Poutine", en revanche, ne l'a pas encore fait. Le successeur devra donc non seulement devenir un géopoliticien eurasien à part entière, mais aussi gagner la guerre avec l'Occident collectif en Ukraine de manière décisive et à n'importe quel prix, et précisément pour que personne ne puisse remettre en question la victoire. Poutine peut encore théoriquement s'arrêter quelque part (bien qu'il soit peu probable que l'Occident le laisse faire), mais son successeur ne pourra s'arrêter nulle part avant la frontière avec la Pologne.
Il en va de même pour la population. Les gens acceptent Poutine, ils l'ont déjà accepté. L'"après-Poutine" devra mériter cette acceptation. Et c'est là qu'il ne peut s'empêcher de faire des pas conséquents vers la justice sociale. L'influence du grand capital, des oligarques et du capitalisme en général répugne profondément aux Russes. Poutine peut pardonner cela, mais pourquoi son successeur devrait-il le faire ? L'"après-Poutine" aura besoin non seulement de patriotisme, mais aussi d'un patriotisme orienté vers la société. Et à cet égard, il ne doit pas se contenter de maintenir la barre, mais l'élever. Cela implique de réformer le système des partis et les structures gouvernementales. Partout, les patriotes, et surtout ceux qui sont passés par le creuset d'une juste guerre de libération - véritablement de la patrie - occuperont les postes les plus élevés. Il n'y aura en aucun cas de rotation complète de l'élite "post-Poutine".
Enfin, la civilisation russe. Les 23 années de règne de Poutine ont eu pour but de renforcer la Russie en tant qu'État souverain. En même temps - surtout au début - Poutine a admis que cette souveraineté russe pouvait être défendue et renforcée dans le cadre d'une civilisation européenne occidentale commune - "de Lisbonne à Vladivostok". Et en termes de civilisation occidentale, cela comprenait le capitalisme, la démocratie libérale, l'idéologie des droits de l'homme, le progrès technologique, la division internationale du travail, la numérisation, l'adhésion au droit international, etc. Il est progressivement devenu évident que ce n'était pas le cas, et c'est après le début de l'OMS que ses discours ont commencé à inclure des paroles sur la civilisation russe et ses différences de valeurs fondamentales par rapport à l'Occident moderne. Le décret 809 sur la politique d'État visant à protéger les valeurs traditionnelles a été signé, et la nouvelle version du concept de politique étrangère présentait la Russie non seulement comme un pôle d'un monde multipolaire, mais aussi comme une civilisation totalement distincte de l'Occident et de l'Orient. C'est le monde russe, et il est explicitement mentionné dans ce concept.
L'"après-Poutine" ne peut même pas revenir à la formule d'un État souverain, tant le conflit avec l'Occident collectif et la vague de russophobie sont aujourd'hui énormes. La route vers une Europe unie de Lisbonne à Vladivostok - du moins jusqu'à un changement révolutionnaire en Europe même - est coupée. Le successeur de Poutine devra simplement aller encore plus loin dans cette direction. Cela nécessitera une réinitialisation culturelle sous la bannière du "logos russe".
À partir de là, les choses vont se corser.
Nous pouvons en tirer une conclusion paradoxale. Tant que Poutine sera au pouvoir en Russie, une sorte d'accord avec l'Occident, ralentissant les processus patriotiques dans la politique et l'idéologie, restera possible. L'Occident ignore totalement que la seule personne avec laquelle il est encore possible de nouer des relations est Poutine lui-même. L'idée maniaque de l'écarter, de l'éliminer, de le détruire, témoigne de la perte du sens des réalités de l'Occident collectif. Avec le dirigeant de "l'après-Poutine", il sera impossible de négocier. Lui - quel qu'il soit - n'aura aucun mandat, aucun pouvoir pour le faire. La seule chose qu'il sera libre de faire, c'est de faire la guerre à l'Occident jusqu'à la victoire, et de ne pas freiner, mais d'accélérer les réformes patriotiques - peut-être pas à la manière douce de Poutine, mais à la manière dure (Priginsky).
Quel que soit le successeur désigné par Poutine - et il peut désigner n'importe qui - ce "n'importe qui" devra immédiatement adopter non seulement le langage du patriotisme, mais aussi celui de l'ultra-patriotisme. Et il n'y aura pas beaucoup de temps pour apprendre un tel langage, très probablement il n'y aura pas de temps du tout pour l'apprendre. C'est ainsi qu'un certain schéma se dessine : l'"après-Poutine" sera très probablement celui qui aura déjà maîtrisé ce nouveau système d'exploitation - la géopolitique eurasienne, le patriotisme de puissance constante (avec un biais de gauche dans l'économie) et la civilisation russe d'origine, le Logos russe.
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mardi, 18 avril 2023
Et maintenant, les atlantistes attaquent la Hongrie
Et maintenant, les atlantistes attaquent la Hongrie
Augusto Grandi
Source: https://electomagazine.it/ed-ora-gli-atlantisti-attaccano-lungheria/
Les atlantistes ouvrent un nouveau front. La folie des marchands d'armes ne connaît plus de limites et, pour poursuivre la guerre en Ukraine, avec l'espoir de l'étendre à d'autres parties du monde, la désinformation se déchaîne. Dans le collimateur, une cible facile: le Hongrois Orban. On a d'abord tenté de le déstabiliser par des menaces de Bruxelles, puis par des sanctions européennes qui lui coupent les vivres simplement parce qu'il ne s'emballe pas pour la gay pride à Budapest. Mais le peuple hongrois n'a pas été effrayé par l'ingérence politiquement correcte de la bande d'Ursula et a voté en masse pour Orban.
Et là où la politique du chantage n'a pas atteint son but, l'espionnage et la désinformation l'ont fait. Les espions américains - si attentifs à intercepter les amis, les alliés et les pays-larbins - ont fait savoir qu'ils avaient illégalement surpris une conversation d'Orban dans laquelle le dirigeant hongrois affirmait que le principal ennemi de Budapest était Washington. Un truisme, bien sûr, mais qui agace beaucoup les maîtres américains. Ils l'ont donc divulguée au moment même où Orban concluait un nouvel accord avec Moscou pour l'approvisionnement en gaz et en pétrole, absolument essentiel pour l'économie hongroise.
Un accord conclu à la lumière du jour. Et les amis espions ont ajouté qu'Orban autoriserait les avions de l'OTAN transportant des armes à survoler l'Ukraine. Juste pour mettre Poutine en colère. Qui ne s'est pas fâché parce qu'en tant qu'ancien membre des services secrets, et bien qu'il n'ait pas servi dans l'armée à Cuneo, il est un homme du monde et sait comment ces choses se passent.
Ainsi, Budapest continuera d'obtenir de l'énergie à des prix avantageux, en dépit de la colère d'Ursula. Et les États-Unis enverront en prison le gamin un peu stupide qui a divulgué une nouvelle fois des informations sur les services secrets. Tout comme ils sont prêts à enterrer en prison Assange qui avait révélé des milliers d'autres saloperies atlantistes. Mais les clercs de la désinformation italienne s'indignent parce que les Russes ont arrêté un journaliste américain qui révélait les secrets de Moscou...
21:11 Publié dans Actualité, Affaires européennes | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : actualité, europe, europe centrale, europe danubienne, affaires européennes, hongrie, viktor orban, politique internationale | |
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lundi, 17 avril 2023
L'option eurasienne - l'alternative d'Elsässer pour la paix
L'option eurasienne - l'alternative d'Elsässer pour la paix
Par Jürgen Elsässer
Source: https://www.compact-online.de/die-eurasische-option-elsaessers-alternative-fuer-frieden/
La coalition gouvernementale tricolore et la "politique étrangère féministe" d'Annalena Baerbock (Verts) entraînent l'Allemagne dans une guerre contre la Russie, la soumettent aux plans mondialistes des États-Unis et détruisent ses relations économiques avec la Chine. Face à ce pandémonium, Jürgen Elsässer a défendu dès 2009 l'importance de l'État-nation et d'une alternative eurasienne à l'impérialisme américain dans son livre Nationalstaat und Globalisierung. Voici des extraits de ce livre, qui est enfin à nouveau disponible, mais uniquement dans la boutique de la revue COMPACT.
Toutes les mesures prises en Europe ne suffiront pas à compenser l'effondrement des marchés d'exportation nord-américains. L'économie allemande est trop productive, elle ne peut pas écouler tous ses produits sur notre continent. Mais pourquoi toujours regarder vers l'ouest - et non vers l'est - lorsqu'il s'agit de trouver des clients ? Il y a là une demande solvable accumulée sans précédent.
Ainsi, la République populaire de Chine a accumulé 1,8 billion de dollars de réserves de change, la Russie en a environ 400 milliards. Avec l'effondrement prévisible du billet vert, ces petits papiers ne vaudront bientôt plus rien. Pourquoi les Allemands et les autres Européens de l'Ouest ne forment-ils pas un grand marché avec les Chinois et les Russes: nous vous échangeons vos réserves de dollars inutiles contre des euros et vous achetez des produits européens en échange. Les quelque deux mille milliards d'euros nécessaires à cette opération correspondraient à peu près à la somme que les pays de l'UE ont mise à disposition de leurs banques fin 2008 à titre de garantie.
On pourrait objecter, en prenant l'exemple du secteur automobile, que l'Empire du Milieu construit plus de cinq millions de véhicules par an et n'a donc pas besoin des Allemands. Mais la production propre aux États-Unis a récemment doublé, et pourtant les véhicules made in Germany y ont été un succès commercial. Volkswagen pour la République populaire - ce serait un marché de plusieurs milliards. La Russie aussi voudra en premier lieu développer ses propres capacités de production.
Mais si les exportations allemandes vers la Russie pouvaient être payées par des exportations de gaz supplémentaires, les deux parties auraient un avantage. Quoi qu'il en soit, la Russie s'efforcera d'apporter sa contribution à la nécessaire transformation de l'économie mondiale.
Comme l'a déclaré le président Dmitri Medvedev en novembre 2008 : "La crise financière a montré qu'il était nécessaire de réformer le système politique et économique. Le pivot de cette réforme est de briser la domination des États-Unis sur la politique et l'économie".
Liaison Paris-Berlin-Moscou
Gerhard Schröder a testé un contre-modèle au printemps 2003, lorsqu'il a coordonné son opposition à la guerre en Irak avec Jacques Chirac et Vladimir Poutine. A l'Elysée, Sarkozy a poursuivi la politique orientale équilibrante de son prédécesseur, comme le montre sa médiation après la guerre en Géorgie en août 2008.
Malheureusement, la politique allemande sous Angela Merkel n'est pas aussi engagée en ce sens, bien que notre industrie apprécie la Russie comme un partenaire fiable. A ce stade, l'opposition ne pourrait-elle pas se présenter comme une véritable alternative ? Willy Brandt avait déjà fait des concessions à Moscou en pratiquant une politique de détente et en négociant en contrepartie des livraisons de gaz stables - et ce mélange lui avait permis de gagner des élections.
Quoi qu'il en soit, une liaison Paris-Berlin-Moscou pourrait avoir un impact considérable sur d'autres pays. Non seulement pour des raisons économiques, mais aussi comme symbole de paix : des États qui se faisaient la guerre en tant qu'ennemis héréditaires il n'y a pas si longtemps s'allient en bonne intelligence. Les trois gouvernements seraient bien inspirés de ne pas se considérer comme le noyau d'un axe militaire, mais comme le nœud d'un réseau de paix eurasien: pas de relance de l'armement, mais une démilitarisation poussée. Pas d'intervention mondiale, mais un retrait des troupes. Les dividendes de la paix sont utilisés pour l'économie civile, l'éducation et la culture.
Une zone de paix de Brest à Vladivostok. Une confédération de républiques souveraines, tout comme la Grèce antique était une confédération de cités libres - la vieille Europe dans sa plus belle forme. Personne ne verserait une larme sur l'UE et l'OTAN. Le Conseil de la Fédération se réunit à Saint-Pétersbourg, carrefour historique de l'Est et de l'Ouest. Personne ne serait menacé par cette fédération. Même l'Amérique n'aurait pas à se sentir défiée et pourrait se rappeler ses vertus isolationnistes. Athènes et Rome se réconcilieraient (...)
Si l'Allemagne et d'autres Etats européens se libéraient de leur subordination aux Etats-Unis et donc de leur politique belliciste, ce serait déjà un grand gain. Cela ne sera d'ailleurs pas une promenade de santé. L'histoire connaît de nombreux exemples où non seulement Moscou, mais aussi Washington, ont su empêcher la dérive de satellites en leur prodiguant une "aide fraternelle".
Le rétablissement d'une économie sociale de marché comme dans l'ancienne République fédérale d'Allemagne est un objectif pour lequel des majorités pourraient s'enthousiasmer dans notre pays. Une fois cette étape franchie, la gauche pourrait promouvoir ses utopies à des niveaux plus larges. Nous devrions toutefois préciser que celles-ci ne seraient réalisées que si la population donnait son accord dans le cadre de procédures démocratiques irréprochables.
Enfin à nouveau disponible - mais uniquement dans la boutique de la revue COMPACT : Le classique de Jürgen Elsässer Nationalstaat und Globalisierung (= "État-nation et mondialisation"). Pourquoi il ne s'agit plus de la gauche contre la droite, mais de la base contre le sommet. Un plaidoyer pour un patriotisme social. A commander ici:
https://www.compact-shop.de/shop/buecher/juergen-elsaesser-nationalstaat-und-globalisierung/
19:27 Publié dans Actualité, Affaires européennes, Eurasisme | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : jürgen elsässer, eurasisme, allemagne, livre, géopolitique, actualité, politique internationale, europe, affaires européennes, axe paris-berlin-moscou | |
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vendredi, 14 avril 2023
Le blé ukrainien contre les agriculteurs polonais. Et le blé russe nourrit l'Afrique
Le blé ukrainien contre les agriculteurs polonais. Et le blé russe nourrit l'Afrique
Enrico Toselli
Source: https://electomagazine.it/il-grano-ucraino-contro-i-contadini-polacchi-e-quello-russo-sfama-lafrica/
Ces derniers jours, Andrea Marcigliano, dans Electomagazine, a évoqué les intérêts de la Pologne pour une partition de l'Ukraine. Des intérêts gouvernementaux. Parce que les Polonais, surtout ceux des campagnes, commencent à être agacés par l'aide fraternelle apportée à Kiev. Et des mensonges permanents colportés par Zelensky. Les clercs de la désinformation, à commencer par ceux d'Italie, avaient pleuré à chaudes larmes sur le blocus des céréales ukrainiennes qui ne pouvaient atteindre l'Afrique pour nourrir les enfants mal nourris.
Puis, grâce à la médiation d'Erdogan, les navires ukrainiens avaient pu quitter le port d'Odessa pour approvisionner le monde entier. Enfin, pas tout à fait le monde. Pas tout à fait le globe (Meloni dixit). Car les menteurs de Kiev ont découvert qu'il était plus pratique, et moins cher, d'expédier les céréales en Pologne et dans d'autres pays d'Europe de l'Est. Faisant ainsi une concurrence déloyale et honteuse aux agriculteurs de ces territoires.
Mais le pleurnichard de Tg5 et ses collègues politiquement corrects n'en ont vraiment rien à faire des agriculteurs polonais, hongrois et slovaques. Qu'ils se débrouillent. Peut-être, pour survivre, pourraient-ils s'enrôler parmi les mercenaires de Zelensky.
Et les pauvres enfants africains ? Oubliés aussi. Vont-ils mourir de faim sans les céréales ukrainiennes ? Il n'en est rien. Le blé russe est arrivé. Agcnews écrit que l'Égypte recevra, au cours du seul mois de mai, 600.000 tonnes de blé supplémentaires en provenance de Moscou. Il s'agit pratiquement du double des volumes totaux reçus l'année dernière. Il est probable qu'une partie des importations sera également utilisée pour améliorer les relations du Caire avec d'autres pays.
Il en va de même pour la Turquie, qui reçoit du gaz et du pétrole en provenance de Russie. En effet, l'appartenance d'Ankara à l'OTAN ne l'empêche pas de faire des affaires importantes et stratégiques avec Moscou. D'autre part, les stratégies du monde réel sont très différentes de celles annoncées puis diffusées par les médias atlantistes. Les Émirats arabes unis, par exemple, viennent de renforcer leurs liens avec Pékin, ce qui ne les a pas empêchés de négocier un méga accord avec la Grande-Bretagne pour la construction d'une ligne électrique du Maroc à Londres. Une électricité produite à partir de sources renouvelables dans le Sahara et qui alimentera 7 millions de foyers britanniques.
Un projet similaire a également été présenté il y a plus de 10 ans en Italie. Il s'agissait de produire de l'énergie solaire en Sicile et de la transférer sur le continent. Il n'en a évidemment rien été.
20:31 Publié dans Actualité, Affaires européennes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : politique internationale, blé, ukraine, blé ukrainien, europe, affaires européennes | |
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jeudi, 13 avril 2023
Budapest appelle l'OTAN à la raison : "Nous ne voulons pas d'un bloc anti-chinois"
Budapest appelle l'OTAN à la raison: "Nous ne voulons pas d'un bloc anti-chinois"
Source: https://zuerst.de/2023/04/12/budapest-ruft-nato-zur-vernunft-wir-wollen-keinen-anti-china-block/
Budapest/Bruxelles. Dans la nouvelle confrontation entre les deux blocs, la Hongrie se montre toujours comme le pôle de la raison. Le gouvernement de Budapest refuse de mettre en péril ses bonnes relations avec la Russie, et le pays ne soutient pas non plus les sanctions occidentales.
Aujourd'hui, à l'issue d'une réunion ministérielle de l'OTAN qui a duré deux jours à Bruxelles, le ministre hongrois des Affaires étrangères, M. Szijjártó, s'est opposé à l'ouverture d'un autre front - contre la Chine. "Nous ne voulons pas que l'OTAN devienne un bloc anti-chinois. Nous ne voyons pas le sens de cette rivalité, nous n'en voyons pas la logique, et nous ne voyons pas ce qui peut en sortir de bon", a déclaré Szijjártó.
Il a souligné que le gouvernement de Budapest était intéressé par une coopération mutuellement bénéfique et non par une rivalité, ce qui est non seulement possible mais aussi nécessaire, par exemple en ce qui concerne la révolution automobile. Les constructeurs européens sont devenus totalement dépendants des batteries électriques sud-coréennes et chinoises, a-t-il ajouté.
"Tous ceux qui appellent à une séparation entre l'économie chinoise et l'économie européenne risquent de porter un coup sévère à l'économie européenne", a averti M. Szijjártó, alors que le volume des échanges commerciaux entre la Chine et les États membres de l'UE dépasse 870 milliards d'euros. L'une des conséquences les plus graves de la guerre en Ukraine est que le monde se dirige à nouveau vers un bloc, ce qui est particulièrement une mauvaise nouvelle pour l'Europe centrale, qui a toujours souffert du conflit Est-Ouest, a-t-il ajouté.
Enfin, il a évoqué le plan de paix de la Chine pour l'Ukraine, qui pourrait être un bon point de départ pour des négociations internationales. Toutefois, l'initiative de Pékin est unanimement rejetée par l'Occident (mü).
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Alexandre Douguine et la nouvelle politique étrangère de la Russie
Alexandre Douguine et la nouvelle politique étrangère de la Russie
Markku Siira
Source: https://markkusiira.com/2023/04/08/aleksandr-dugin-ja-venajan-uusi-ulkopolitiikka/
"Le 31 mars, les patriotes russes, les eurasistes et les autres défenseurs de la pleine souveraineté ont probablement remporté la victoire la plus impressionnante et la plus visible de l'ère post-soviétique", affirme le politologue Alexandre Douguine. Il fait référence au nouveau concept de politique étrangère de la Russie qui, selon lui, reflète l'idée d'un développement eurasien de la fédération.
L'une des figures de proue du mouvement néo-eurasiste examine ce document stratégique, publié par le ministère des affaires étrangères et signé par le président Vladimir Poutine, qui s'éloigne d'un ordre mondial centré sur l'Occident. Pour Douguine, il s'agit d'un élément fondamental d'un "processus de décolonisation par la Russie elle-même, qui se libère du contrôle extérieur".
Le document de politique étrangère peut être considéré comme "la confirmation finale des changements dans la conscience géopolitique et civique des autorités russes qui ont commencé il y a 23 ans avec l'arrivée au pouvoir de Poutine". Ce n'est que dans cette version que la doctrine de politique étrangère de la Russie prend une expression claire et distincte.
Pour Douguine, il s'agit d'un "agenda ouvert d'une superpuissance continentale souveraine", dans lequel elle proclame sa vision du prochain ordre mondial et en définit les paramètres et les fondements, tout en exprimant sa volonté de construire un tel ordre, en dépit du fait que certaines parties tentent toujours d'imposer à la Russie, de l'extérieur, leurs lignes directrices en matière de mode de vie.
Le nouveau concept "utilise des termes compatibles avec la théorie multipolaire du monde et l'interprétation eurasienne du caractère civilisationnel de la Russie". Ainsi, le point de vue des partisans de la souveraineté russe est enfin inscrit dans un document clé de politique stratégique.
Selon Douguine, "la clarté et la cohérence inhabituelles de la formulation et des définitions du texte sont le résultat d'une guerre contre l'Occident collectif", dans laquelle "l'existence même de la Russie" est en jeu. Il estime qu'une telle lutte serait impossible sans principes clairs, et c'est pourquoi le nouveau concept "énonce clairement les règles que la Russie accepte et auxquelles elle souscrit".
Ces règles vont à l'encontre de "la stratégie mondialiste [occidentale], de l'unipolarisme et de la théorie libérale des relations internationales". Dans le passé, la Russie a essayé de faire des compromis qui reflétaient à la fois la préservation de la souveraineté et une relation amicale avec l'Occident, mais aujourd'hui la situation est complètement différente.
La Russie est l'État central particulier du monde russe, "une civilisation indépendante avec ses propres orientations, objectifs, origines, valeurs, sa propre identité immuable, indépendante de toute puissance extérieure", affirme Douguine.
Bien que les libéraux occidentaux et russes aient lutté avec acharnement contre cette "spécificité", elle a désormais été adoptée comme loi et constitue la principale règle en matière de politique étrangère. "Les dissidents doivent soit l'accepter, soit s'y opposer ouvertement", souligne Douguine. Il n'y aura pas de retour à la tentative eltsiniste des années 1990 de partager les valeurs et les attitudes occidentales.
L'acceptation d'un tel concept nécessitera des changements similaires dans la doctrine militaire et un énorme effort organisationnel pour adapter les institutions, la formation et l'information aux nouvelles lignes. En prônant ouvertement et résolument un monde multipolaire et la place de la civilisation russe dans ce monde, Moscou identifie désormais ses amis et ses ennemis en termes schmittiens.
Ainsi, tout le cadre de la politique étrangère et les processus sur la scène internationale deviennent plus ciblés et symétriques. Douguine souligne que "l'élite mondialiste occidentale ne cache pas son intention de détruire la Russie, de renverser son dirigeant et d'anéantir les initiatives menant à un monde multipolaire". La Russie comprend les intentions de l'Occident et y répondra.
L'affirmation selon laquelle la Russie est un État-civilisation signifie qu'elle n'est pas seulement un État-nation selon la logique du système westphalien, mais quelque chose de beaucoup plus grand. "Un État-civilisation n'est pas seulement un très grand État, mais ressemble aux anciens empires et aux empires qui peuvent inclure plusieurs entités politiques et même des territoires tout à fait indépendants", affirme Douguine.
La référence au peuple russe et aux autres nations qui partagent un destin historique, géopolitique et civilisationnel commun revêt une importance particulière dans la nouvelle politique étrangère. "Le peuple russe est devenu un ensemble de différentes tribus slaves orientales, finno-ougriennes et turques au cours du processus historique de construction de la nation. Il existe donc un lien inséparable entre les Russes et ces autres peuples voisins", explique Douguine.
Le texte du concept de politique étrangère indique également que le centre de l'humanité se déplace régulièrement vers les régions non occidentales du globe - l'Asie, l'Eurasie, l'Afrique et l'Amérique latine. Le modèle de développement mondial déséquilibré qui, pendant des siècles, a assuré la croissance économique des puissances coloniales occidentales en s'appropriant les ressources d'autres régions et États, est irrémédiablement en train de devenir une chose du passé.
"C'est l'essence même de la multipolarité", affirme Douguine. "L'Occident n'a pas seulement perdu sa capacité technique à rester l'hégémon mondial en matière de politique, d'économie et d'industrie, il a également perdu son droit moral à diriger. L'humanité vit une ère de changements révolutionnaires", affirme le penseur russe en rappelant l'essentiel du programme de politique étrangère.
L'émergence d'un monde plus équitable et multipolaire continuera d'être façonnée par le renforcement du rôle des organisations émergentes telles que "les BRICS, l'Organisation de coopération de Shanghai, la Communauté des États indépendants de la CEI, l'Union économique eurasienne, l'Organisation du traité de sécurité collective (OTSC), ainsi que d'autres alliances transnationales et organisations internationales".
L'Occident libéral et mondialiste comprend que ses jours d'hégémonie touchent à leur fin, mais il n'est pas encore prêt à accepter les nouvelles réalités. Pour Douguine, cela "explique la plupart des conflits dans le monde et surtout la politique hostile de l'élite occidentale à l'égard de la Russie qui, objectivement, est déjà devenue l'un des pôles centraux du nouvel ordre".
Les États-Unis et leurs États satellites en Europe et en Asie ont utilisé les actions de la Russie en Ukraine comme prétexte pour intensifier leur politique anti-russe de longue date et lancer une nouvelle guerre hybride.
L'objectif est "d'affaiblir la Russie par tous les moyens possibles, en limitant sa puissance, ses capacités économiques et technologiques, sa souveraineté politique étrangère et intérieure et son rôle créatif dans la transition de l'unipolarité à la multipolarité". En réponse aux actions hostiles de l'Occident, la Russie "défendra son droit d'exister et de se développer librement par tous les moyens disponibles".
Le nouveau concept définit certainement aussi les conditions d'une normalisation des relations avec l'Occident, même si l'idée semble aujourd'hui lointaine. Le partenariat n'est envisagé que si l'Occident et ses satellites "renoncent à leur russophobie" qui, dans le contexte géopolitique, n'est rien d'autre que "le refus obstiné des élites occidentales de reconnaître le droit des États souverains civilisés à suivre leur propre voie".
Le Kremlin comprend qu'aucune partie de l'État-civilisation russe ne peut rester sous le contrôle de puissances étrangères et de leurs organisations hostiles. C'est, selon Douguine, la principale raison pour laquelle la Russie se bat aujourd'hui en Ukraine: la Russie n'a pas de "pleine souveraineté géopolitique et civilisationnelle" sans le contrôle du territoire de l'Ukraine, qui fait partie du monde russe.
Le concept de politique étrangère décrit également des stratégies spécifiques pour développer les relations entre la Russie et les différentes régions du monde: cela inclut "l'intégration eurasienne dans l'espace post-soviétique et la construction de partenariats avec la Chine, l'Inde, le monde islamique, l'Afrique et l'Amérique latine". Dans chaque région, des priorités et des objectifs spécifiques sont mis en évidence.
Bien que la nouvelle politique étrangère de la Russie n'ait pas l'intention d'intervenir activement dans les processus internes des pays qui lui sont actuellement hostiles, Douguine souligne que si "les peuples de l'Occident rejettent l'élite hégémonique maniaque et mettent au pouvoir de véritables dirigeants qui défendent leurs intérêts nationaux, ils ne trouveront pas de meilleur ami et allié que la Russie". Dans le climat d'agitation actuel, cette phrase conciliante est réconfortante à entendre.
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mercredi, 12 avril 2023
La politique de nationalisation du Mexique dans la ligne de mire du capitalisme occidental
La politique de nationalisation du Mexique dans la ligne de mire du capitalisme occidental
Markku Siira
Source: https://markkusiira.com/2023/04/10/meksikon-kansallistamispolitiikka-lannen-paaomapiirien-tulilinjalla/
Le gouvernement mexicain continue de nationaliser des industries clés malgré les fortes objections des États-Unis et des cercles capitalistes occidentaux.
Le gouvernement mexicain a accepté d'acheter treize centrales électriques à l'entreprise énergétique espagnole Iberdrola pour 6 milliards de dollars. L'entreprise publique d'électricité, la Comision Federal de Electricidad, contrôlera ainsi le marché de l'électricité du pays.
Le président mexicain Andrés Manuel López Obrador (également connu sous le surnom "AMLO", formé à partir des premières lettres de son nom) a évoqué l'importance de nationaliser certaines des industries les plus importantes du pays, telles que la production de minerais et de pétrole, et a pris des mesures en ce sens.
Les États-Unis et le Canada ont exprimé leur opposition aux actions du Mexique et ont menacé le pays d'une guerre commerciale si l'administration de López Obrador "continue à restreindre l'accès des entreprises internationales aux marchés mexicains de l'électricité et du pétrole".
La nationalisation de secteurs essentiels au fonctionnement de la société n'entre pas dans les plans des oligarques occidentaux, qui visent au contraire à placer tous les biens sous contrôle privé et à mettre les pays sous l'emprise des sociétés transnationales.
La politique du Mexique pourrait créer un dangereux précédent et inspirer d'autres pays. Il faut donc s'attendre à des actions contre le régime de López Obrador, notamment de la part des États-Unis. En effet, le président mexicain a déjà été présenté dans les médias américains comme un "autocrate opposé à la démocratie libérale".
"Le Mexique est un pays indépendant et libre, et non une colonie ou un protectorat des États-Unis", a répondu M. López Obrador, critiquant vivement l'influence des États-Unis sur l'économie du pays. Le Mexique est prêt à coopérer avec les Américains, mais pas à se soumettre aux ordres de Washington contre ses propres intérêts.
Ce type de rhétorique a été un élément majeur de la stratégie de Lopez Obrador tout au long de sa présidence. Depuis son élection en 2018, le président mexicain n'a cessé de critiquer les Américains. AMLO considère son voisin du nord comme "une menace pour la souveraineté économique du Mexique".
Les tensions entre les États-Unis et le Mexique ont augmenté suite à ces déclarations et actions. L'administration Biden prévoit de lancer un ultimatum au gouvernement mexicain dans les semaines à venir, exigeant qu'il ouvre les marchés de l'énergie aux entreprises américaines, sous peine de droits de douane et d'autres sanctions.
Les États-Unis sont également engagés dans un conflit commercial avec le Mexique au sujet de l'importation de maïs génétiquement modifié depuis que M. López Obrador a demandé l'interdiction de tous les produits agricoles génétiquement modifiés, en invoquant les risques pour la santé. Selon certaines études, le maïs génétiquement modifié provoque des cancers et des lésions organiques.
Les États-Unis, qui exportent chaque année 17 millions de tonnes de maïs, essentiellement génétiquement modifié, vers le Mexique, accusent ce dernier de violer l'USMCA et menacent de prendre des mesures de rétorsion si le Mexique cesse d'acheter du maïs génétiquement modifié.
AMLO est un dirigeant sans concession qui met en œuvre la vision d'un "Mexique autosuffisant" qu'il a présentée dans son discours d'investiture. Il a qualifié à plusieurs reprises l'hégémonie économique et politique américaine d'"impérialisme moderne" auquel il faut résister. Un Mexique qui défend sa souveraineté parviendra-t-il à réaliser ses ambitions ou le gouvernement nationaliste sera-t-il renversé par les capitalistes occidentaux?
19:40 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, politique internationale, mexique, amérique latine, amérique ibérique, amérique centrale, économie | |
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L'Occident perd chaque jour de son influence: sa politique de la carotte et du bâton n'est plus aussi efficace qu'elle l'était autrefois
L'Occident perd chaque jour de son influence: sa politique de la carotte et du bâton n'est plus aussi efficace qu'elle l'était autrefois
Par Marcelo Ramirez
Source: https://noticiasholisticas.com.ar/occidente-pierde-influencia-dia-a-dia-su-politica-de-la-zanahoria-y-el-garrote-carece-ya-del-efecto-de-antano-por-marcelo-ramirez/
"Les États-Unis et le bloc militaire de l'OTAN portent des responsabilités évidentes dans la crise ukrainienne. Ils ne sont pas en mesure de critiquer la Chine ou de faire pression sur elle pour qu'elle prenne leur parti", a déclaré le porte-parole du ministère chinois des affaires étrangères, Mao Ning, lors d'une conférence de presse tenue le jeudi 6 avril. Ces remarques s'inscrivent dans un contexte sombre pour l'Occident, qui fonde une grande partie de sa force sur l'attrait du dollar.
La monnaie américaine est la cible de ce pays asiatique via son partenaire russe. La rébellion militaire qui s'est produite d'abord en Syrie, puis en Ukraine, a remis en question la capacité des États-Unis et de l'OTAN à continuer à maintenir le statu quo.
Lorsque Kadafi ou Saddam Hussein ont tenté de se dissocier du dollar, ils ont été anéantis, ainsi que leurs propres pays. Mais cette époque appartient désormais au passé. Bachar el-Assad, en Syrie, était également visé, mais l'intervention déterminée de la Russie, avec l'appui de l'Iran, a mis un terme aux plans occidentaux.
Le putsch de l'OTAN à Kiev, avec son Euromaïdan, a réussi à imposer ses politiques pro-otanistes, mais a eu des conséquences inattendues. La Russie a occupé la péninsule de Crimée et l'a réintégrée dans son territoire après un plébiscite dénoncé en vain par l'Occident. L'Ukraine a ensuite été divisée, vu l'émergence d'un secteur pro-russe, le Donbass, qui, avec le soutien de Moscou, a accueilli des Ukrainiens de souche russe, persécutés par les putschistes de Kiev.
Les sanctions ultérieures ont échoué, la Russie est restée ferme et, quatre ans plus tard, elle a annoncé une nouvelle génération d'armes qui tournerait en sa faveur toute guerre directe avec les États-Unis.
Rien ne s'est passé du côté de Washington. L'affaiblissement de l'économie occidentale et les crises récurrentes n'ont pas réussi à faire dérailler la Chine, mais seulement à ralentir sa croissance à un coût énorme pour elle-même.
Lentement mais sûrement, la Russie s'est rapprochée de la Chine, aplanissant les différences et coordonnant d'abord leurs économies, puis accélérant leur coopération militaire. Pékin a maintenu sa politique d'accords bilatéraux visant à utiliser les monnaies locales au lieu du dollar.
Le contexte commence à être nettement défavorable à l'Occident, qui voit la Chine accéder à l'énergie abondante et bon marché de la Russie, ainsi qu'à ses immenses réserves minérales et alimentaires.
Les cartes jouées par l'Occident perdent de leur poids, l'AUKUS crée de graves rigidités internes : la France est mise à l'écart parce qu'elle n'appartient pas au club sélect des Anglo-Saxons et ses sous-marins sont remplacés par des équivalents issus de l'anglosphère. Paris a perdu des dizaines de milliards sur un accord qui avait déjà été décidé par Londres et Washington.
Ce n'était qu'un avant-goût : l'Allemagne allait voir sa capacité industrielle détruite par l'action des États-Unis, qui ont tout simplement refusé le gazoduc germano-russe et l'ont saboté.
Il y a d'abord eu des avertissements et des pressions, puis des explosions pour mettre fin à la possibilité d'obtenir du gaz bon marché au lieu du GNL coûteux des navires américains.
Cela s'est produit alors que des changements juridiques nationaux, poussés par Biden, ont attiré aux Etats-Unis des entreprises allemandes dont les perspectives commerciales étaient devenues peu encourageantes dans leur propre pays.
L'axe anglo-saxon avait auparavant séparé le Royaume-Uni de l'UE, les raisons semblent désormais claires lorsque ce partenariat est sacrifié afin de priver la Russie et la Chine de leurs marchés les plus importants. La stratégie est absolument visible, les Anglo-Saxons sont déterminés à maintenir leur contrôle sur le monde à tout prix, et si cela signifie détruire l'Europe, cela n'a pas trop d'importance. En effet, ils ne peuvent rivaliser avec la Russie pour l'approvisionnement en énergie à la même valeur et dans les mêmes quantités, et la Chine a parié sur une route de la soie menant aux marchés européens. L'influence de l'une et de l'autre s'accroîtrait sur l'UE et finirait par l'éloigner de l'atlantisme anglo-saxon si elle suivait le cours naturel des choses.
La Chine est plus compétitive, ses produits sont moins chers et plus innovants, et elle supplante ses concurrents européens et américains. Comme ce processus ne peut être arrêté, la destruction doit suivre, tout simplement. Rien de nouveau en fait, car ce modèle a été appliqué ailleurs, produisant de la terre brûlée, si nécessaire, pour refuser l'accès à leurs ennemis stratégiques; le Moyen-Orient, l'Afrique et l'Amérique latine peuvent témoigner de la façon dont les Etats-Unis ont détruit leurs économies et leur propre stabilité nationale lorsque cela les favorisait.
Ce défi sino-russe est important en soi, mais il l'est aussi parce qu'il ouvre une brèche dans le modèle de contrôle atlantiste. Les pays sous l'égide des États-Unis, comme le Brésil de Lula, prennent des mesures ambiguës. Un candidat propre s'est mis en place pour écarter Bolsonaro, qui avait conclu des accords pertinents dans des domaines sensibles avec la Russie et s'était montré réticent à mettre en œuvre la politique culturelle woke, poussée par l'Occident. Lula, qui a démissionné de son poste de président des BRICS et a voté contre la Russie à l'ONU, s'est mis d'accord avec la Chine pour négocier en reals et en yuans au lieu du dollar. Il est clair que le thème de la recherche d'alternatives au dollar est devenu à la mode, parmi les étrangers, mais aussi parmi les siens, parce qu'il signifie des solutions économiques et un moyen de sortir du piège de la dette imposé par le système financier occidental.
Tranquillement, l'Inde, qui a refusé de se joindre à l'AUKUS contre la Chine (et la Russie), a décuplé ses achats de pétrole russe, non seulement en réduisant ses coûts intérieurs, mais aussi en le raffinant et en le renvoyant en Europe dans le cadre d'une énorme opération.
Ce n'est pas la seule chose que Narendra Modi a faite ; il a également commencé à conclure des accords bilatéraux à la manière chinoise. Il a récemment conclu un accord avec les Émirats arabes unis pour acheter du pétrole en roupies, ainsi qu'avec la Malaisie, qui a déclaré qu'"il n'y a aucune raison pour que la Malaisie reste dépendante du dollar", selon son premier ministre, Anwar Ibrahim. La Malaisie est également en pourparlers avec la Chine pour créer un Fonds monétaire asiatique.
La Chine, enfin, n'est pas si loin de l'Inde.
Il se trouve que les choses ne sont pas comme on le croit dans cet Occident manipulateur, les nations ont des intérêts et n'oscillent pas entre le bien et le mal. Elles ne le font pas pour les "droits, la liberté et la démocratie" mais pour leurs intérêts permanents en tant que nations.
La Chine et l'Inde coexistent depuis des millénaires et sont voisines, elles savent qu'elles doivent trouver des solutions, ce qui ne veut pas dire qu'elles ne sont pas en compétition l'une avec l'autre. Elles ne partent pas non plus du principe qu'on peut les manipuler avec des miroirs colorés.
Le contexte actuel nous amène à admettre que l'Occident perd chaque jour de son influence, que sa politique de la carotte virtuelle et du bâton réel n'est plus aussi efficace qu'elle l'a été. Il est peut-être capable de réprimer les soulèvements de petits pays contre son ordre intentionnel, mais il ne le peut pas contre les grandes nations, ce dont profitent les petites nations dans l'ombre des puissants.
C'est tout simplement ce qu'ils voient dans une grande partie du monde, sauf en Occident, où les grands médias semblent avoir décidé que ce qu'ils n'aiment pas n'existe pas, de sorte qu'une grande partie de ces nouvelles est tout simplement ignorée et que les sociétés sont laissées dans l'ignorance.
L'Occident a un sentiment d'importance et de domination qui n'a pas évolué, qui ne comprend pas qu'il est aujourd'hui incapable de s'imposer comme il l'a fait par le passé.
Le voyage en Chine d'Emmanuel Macron et de la présidente du Parlement européen, Ursula von der Leyen, a laissé un sentiment de ridicule pathétique. Il est bon de rappeler que le Français met son pays à feu et à sang tandis qu'une secrétaire d'État, Marlène Schiappa, n'a pas d'autre idée que de poser pour des photos suggestives dans Playboy afin de défendre le droit des femmes à disposer de leur corps dans n'importe quelle situation.
Quant à Mme von der Leyen, elle en est venue à contrôler l'Europe sans vote populaire, ce qui n'est pas une mince affaire pour les champions de la démocratie, et avec des scandales de corruption à répétition depuis les affaires douteuses de son mari alors qu'elle était ministre de la défense allemande. Bien sûr, les scandales liés à l'achat de vaccins par Pfizer n'ont pas aidé à promouvoir une image de transparence.
Ces deux personnages se sont rendus à Pékin dans l'idée de faire pression sur Xi Jinping, une action dont l'arôme de décrépitude temporelle rappelle le 19ème siècle. Bien entendu, le voyage a échoué et la Chine a une fois de plus fait savoir, avec la subtilité qui la caractérise, que sa politique d'alliance avec la Russie est scellée et qu'elle n'a pas l'intention de changer comme ça à cause de la prétendue séduction de l'Europe.
Les actions des Européens sont pathétiques, comme nous l'avons souligné, car ils ne comprennent tout simplement pas que la Chine est plus puissante que l'UE dans son ensemble et qu'elle est suffisamment forte pour agir de manière autonome et ne pas céder aux menaces.
De plus, la Chine souffre de l'hostilité de l'Occident. Rappelons l'humiliation de la PDG de Huawei, les actions sur TikTok ou les problèmes avec les puces électroniques. Sans parler du voyage de Pelosi à Taïwan et de la réception actuelle de Tsai Ing Wen aux États-Unis.
Pékin sait aussi qu'elle est la prochaine cible des Anglo-Saxons. Ce qui est sur la table n'a rien d'une conspiration ou d'une manoeuvre occulte. L'hostilité est manifeste.
En bref, une association mineure, en profond déclin économique, moral et militaire, avec une guerre de haute intensité sur son territoire qu'elle ne peut contrôler, s'associe à une nation puissante mais également en déclin comme les États-Unis pour faire pression sur les Chinois, y compris militairement.
Dans ce contexte, ils tentent de rompre une alliance économiquement rentable, qui leur donne une grande marge de sécurité, avec la Russie, afin de les soutenir contre Moscou et de les réorienter ensuite contre la Chine elle-même.
Telle est la politique internationale de l'Occident. L'incapacité de ces gens à gouverner, à élaborer des stratégies et, en fin de compte, à comprendre la réalité est absolument incroyable.
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mardi, 11 avril 2023
Les opérations spéciales et leur impact sur la géopolitique future - Entretien avec Robert Steuckers
Les opérations spéciales et leur impact sur la géopolitique future
Entretien avec Robert Steuckers
Propos recueillis par Anna Tcherkassova pour ukraina.ru (avril 2023)
Comment les opérations spéciales ont-elles modifié l'équilibre mondial des pouvoirs?
Les géopolitologues définissent l’Ukraine comme une « région-portail » (« gateway region »). Elle est un sas par lequel devraient logiquement, pacifiquement, transiter biens matériels et culturels entre les grands pôles de civilisation. Elle constitue par ailleurs une portion importante sur la route qui part de l’Atlantique, de Lisbonne et de Cadix, vers la Volga et la Caspienne et, au-delà, vers le Kazakhstan et la Chine. La Crimée a fait partie, dans l’antiquité, de la civilisation grecque centrée sur la Mer Egée ; elle a abrité les comptoirs italiens qui commerçaient avec le reste de l’Eurasie ; Catherine II a voulu en faire le réceptacle d’une civilisation nouvelle, helléno-germano-slave. Pour la Russie, la Mer d’Azov constitue l’ouverture aux mers chaudes, le retour vers les horizons méditerranéens (grecs et égyptiens) et l’accès de l’hinterland russe des bassins du Don et de la Volga à la région pontique, ouverte aux orbes plus écouméniques du Sud et de l’Ouest. L’ensemble formé par l’Ukraine, la Crimée, le Kouban et le littoral de Novorossisk à Soukhoumi en Abkhazie aurait pu devenir la plaque tournante d’échanges fructueux entre toutes les composantes civilisationnelles voisines : espace de la civilisation russe, espace danubien (au départ de la Roumanie et de la Bulgarie), espace caucasien, monde turc-anatolien, espace de peuplement kurde, pays riverains de la Caspienne, littoral caspien de l’Iran.
Les échanges entre ces pôles d’une grande richesse culturelle, en lisière de ce que les géopolitologues et les stratégistes anglo-saxons nomment le « Heartland » ont été délibérément sabotés par les pseudo-élites occidentales, au détriment de l’intérêt de tous les peuples d’Europe et d’Asie.
Lors d’un séminaire récent, tenu dans les Ardennes belges, j’ai eu l’occasion de souligner que l’objectif des thalassocraties de l’anglosphère est de ne permettre aucune convergence de cette nature en lisière du « Heartland » (russe en l’occurrence). Les « rimlands », avec littoraux sur les mers chaudes, ne peuvent avoir de liens étroits avec le « Heartland », qui recèle des matières premières indispensables, tout comme, au-delà de la Tauride (Crimée) antique, l’arrière-pays fournissait blé et bois à la civilisation grecque. Ce refus tenace de voir s’installer durablement des synergies entre « Heartland » et « Rimlands » sans intervention impérialiste émanant d’une périphérie insulaire comme la Grande-Bretagne impériale au 19ème siècle ou comme l’ « Ile du monde » que sont les Etats-Unis bi-océaniques.
Les thalassocraties se sont établies, en réclamant, dès le 17ème siècle, la « liberté des mers », c’est-à-dire la liberté de circuler sur les océans et de maintenir libres de toute intervention les communications maritimes. La réponse à cela ne doit pas être un refus ou un rejet de la liberté des mers mais prendre la forme d’une revendication équivalente sur les terres : la liberté des peuples, dans un esprit multipolaire, d’organiser à leur guise la « liberté des terres », soit la liberté d’organiser les communications terrestres par tous moyens possibles : chemins de fer, canaux, navigation fluviale, etc.
En effet, la nouvelle guerre hybride, qui a commencé dès le Maïdan de Kiev en 2014 (avec le précédent de 2004) et qui a culminé avec l’opération militaire spéciale de février 2022, vise à bloquer les communications terrestres, à en ralentir la promotion, à ériger des murs et des barrières dans les endroits les plus stratégiques, notamment dans les « régions-portails ».
Pour n’évoquer que les régions périphériques de la Russie, je ne citerai que l’Arctique et le Corridor Economique de Transport Nord-Sud (de l’Inde à l’Iran et de celui-ci, via la Caspienne, à la Volga, la Mer Blanche et l’Arctique).
L’Arctique, vu d’Europe occidentale, et surtout depuis la Belgique et les Pays-Bas (les ports d’Anvers-Zeebrugge et Rotterdam), fait partie d’un écoumène comprenant la Mer du Nord, la Baltique, la Mer Blanche et l’Arctique. C’est généralement perçu comme un espace qui fut « hanséatique ». Les marins de nos pays ont toujours tenu à commercer avec Novgorod d’abord, avec la « Moscovie » ensuite, au départ des ports arctiques. L’Ukraine sert de prétexte au Deep State de l’anglosphère pour contrôler complètement ces régions : en effet, les demandes d’adhésion de la Suède et de la Finlande (dirigée par une dame appartenant à la catégorie des « Young Global Leaders ») font de la Baltique une Méditerranée septentrionale sous la tutelle totale de Washington. Plus aucun Etat neutre n’est riverain de la Baltique. Et, l’Allemagne mise à part, la Pologne, volontairement inféodée aux Etats-Unis, constitue l’Etat riverain le plus peuplé et désormais le plus militarisé de cette mer intérieure du sous-continent européen.
Le sabotage des gazoducs germano-russes Nord Stream 1 & 2 plonge l’Etat le plus industrialisé du centre de l’Europe dans la récession économique, avec pour corollaire, la proclamation, par Biden, de l’IRA (Inflation Reduction Act), qui permet aux grandes entreprises européennes (et surtout allemandes) de migrer vers les Etats-Unis où le prix de l’énergie est maintenu à la baisse. Volkswagen a déjà entrepris sa migration vers les Etats-Unis : avec la gestion chaotique de l’immigration en Allemagne depuis 2015 sous Merkel, avec la récession sociale et les salaires insignifiants imposés par le système Hartz IV, le centre dynamique de l’Europe va imploser. Ce qui fut toujours un but de guerre de l’anglosphère.
Pendant la seconde guerre mondiale, les Etats-Unis ont acheminé du matériel militaire vers l’Union Soviétique envahie par voie maritime nord-atlantique en direction de Mourmansk et d’Archangelsk. De là, ce matériel était envoyé au front par les canaux partant de la Mer Blanche vers les lacs Onega et Ladoga puis vers l’intérieur des terres russes et vers la Volga. Ensuite, d’autres matériels, provenant des Indes britanniques transitaient par l’Océan indien, le chemin de fer transiranien, la Caspienne et la Volga. La victoire soviétique à Stalingrad a permis de maintenir intactes ces deux voies de communication. Aujourd’hui, le transit Arctique/Océan Indien demeure une nécessité pour un monde en paix. Le projet de le réanimer et de le consolider existe : c’est l’INSTC (International North-South Transport Corridor). Les troubles potentiels à fomenter dans le Caucase ou les tentatives de déstabiliser l’Iran (par une variante des révolutions de couleur) participent du sabotage général des projets multipolaires d’assurer la « liberté des terres ». L’otanisation de la Baltique et le sabotage des gazoducs font partie du même projet que le blocage de la « région-portail » ukrainienne. La volonté d’avancer les bases de l’OTAN dans le Donbass, vise à menacer la région de l’embouchure du Don, lié à la Volga par le Canal Lénine, donc à la Caspienne et au tracé de l’INSTC.
En 2011, les autorités belges et celles gérant le port d’Anvers, voulaient relier la ville portuaire flamande à la Chine. L’entreprise suisse HUPAC de construction de lignes ferroviaires était partie prenante dans le projet. Des négociations ont eu lieu à haut niveau entre Belges et Chinois, avec l’implication des autorités allemandes, russes et ukrainiennes. L’Ukraine devait, dans ce projet eurasien, jouer pleinement son rôle de « région-portail ». L’avantage pour nous était de réduire le temps de transport de moitié par rapport aux communications maritimes et de se projeter vers deux régions du monde : l’Afrique occidentale et l’Amérique ibérique. Comme Bruges au temps de la Hanse, nous aurions été la plaque tournante entre le commerce eurasien (déjà pratiqué par les Vikings, fondateurs de la ville) et le commerce avec la péninsule ibérique et l’Afrique du Nord. Ma position est de travailler à restaurer de tels projets, contre les saboteurs qui sont forcément des traitres à notre destin historique inscrit dans la géographie (à lire : http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2011/05/13/quand-les-belges-partent-a-la-conquete-de-la-chine.html ).
Pourquoi Bruxelles soutient-elle la politique de Biden en Ukraine si la quasi-totalité de l'Europe a déjà siphonné toutes les armes à envoyer aux Forces armées ukrainiennes (AFU) ?
L’eurocratie basée à Bruxelles et à Strasbourg est totalement inféodée à Washington. Depuis la timide ébauche d’un Axe Paris-Berlin-Moscou entre Chirac, Schröder et Poutine lors de l’attaque anglo-américaine contre l’Irak en 2003, les services américains se sont efforcés avec succès de remplacer les élites traditionnelles européennes et les diplomates de l’école réaliste par des personnages, généralement amusants comme Sarkozy, qui ont fait la politique des Etats-Unis. En effet, dès que Chirac a disparu de l’horizon politique français, Sarkozy s’est empressé de ramener son pays dans le giron de l’OTAN. Aujourd’hui, Macron est un homme issu des rangs des Young Global Leaders, attaché à l’agence McKinsey : il ne peut faire qu’une politique pro-américaine, en Ukraine comme ailleurs, en se débarrassant de tous les résidus de la diplomatie gaullienne qui survivaient encore vaille que vaille du temps de Chirac. En Allemagne, Schröder a été mis sur une voie de garage et sa participation à la réalisation de Nord Stream a fait qu’il a été victime d’une cabale au sein de son propre parti socialiste. Ce sont en effet les Verts qui sont désormais le fer de lance des Américains en Allemagne. Déjà Joschka Fischer avait prêché la guerre contre la Yougoslavie quand il était ministre des affaires étrangères. Annalena Baerbock, bien que membre du parti des Verts et donc théoriquement de « gauche », infléchit la politique étrangère de l’Allemagne vers celle des néoconservateurs américains autour de Nuland, Kagan et Wolfowitz. Les services américains disposent de personnages dans tous les milieux : les avatars des « nouveaux philosophes » avec Bernard-Henri Lévy en France, les anciens gauchistes avec Daniel Cohn-Bendit en France et en Allemagne, des néolibéraux délirants comme Guy Verhofstadt (qui a signé un livre avec Cohn-Bendit), les macronistes antigaulliens, des sociaux-démocrates à la Sanna Marin en Finlande (la fille est, comme Macron, une Young Global Leader, dont on ne perçoit pas très bien les compétences), les Verts allemands (chez qui tous les éléments neutraliste et pacifistes ont été éliminés) ou d’anciens néofascistes comme Giorgia Meloni (qui a renié ses promesses électorales et qui a fait une politique néoconservatrice dès son accession au pouvoir). On voit poindre à l’horizon de nouveaux candidats à de tels aggiornamenti dans les cercles de gauche comme de droite depuis le déclenchement de l’Opération militaire spéciale.
Pour moi, l’affaiblissement des armées européennes est voulu : pour le Deep State américain, aucune armée moderne efficace ne peut survivre en dehors de l’US Army ; l’hémorragie du matériel militaire des Etats européens membres de l’OTAN, au profit de l’Ukraine de Zelensky, aura tout simplement pour résultat que, pour remplir à nouveaux les arsenaux, les Etats membres de l’OTAN, surtout ceux qui sont appelés à former l’Intermarium rêvé par les Polonais, devront acheter du matériel américain. Déjà, une dépêche est tombée ce matin : les Estoniens ont livré leurs matériels anciens aux Ukrainiens mais ont facturé au plein prix l’achat de nouveaux matériels à l’Europe de Bruxelles ! La corruption bénéficie de la situation !
L’objectif d’affaiblir les arsenaux européens ne date pas d’hier : les « ventes du siècle » dans les années 1970, quand les Américains ont livré aux pays du Benelux et de la Scandinavie les fameux F-16, c’était au détriment de l’aéronautique française (Bloch-Dassault) et suédoise (SAAB). L’opération s’est répétée très récemment avec le F-35.
Selon nos informations, une grande partie des pays européens connaissent de graves difficultés économiques et financières à cause des politiques pro-américaines. Y a-t-il une prise de conscience en Europe que c'est la faute des États-Unis et non de la Russie et de Poutine ?
Les difficultés économiques sont évidentes dès le moment où des sanctions frappent le premier fournisseur d’énergie des pays européens, entraînant une augmentation vertigineuse du prix de l’énergie. Le sabotage des gazoducs de la Baltique vise évidemment à pérenniser cette situation. Délibérément, les forces occidentalo-atlantistes cherchent à ruiner l’Europe et à contenir la Russie (tout en grignotant son territoire sur des franges hautement stratégiques). Que les Russes sachent bien que l’Europe, en ses dynamiques profondes, en son idéologie parfois traditionnelle parfois socialiste, n’est pas l’Occident, mixte de déviances religieuses puritaines, d’idéologie whig (rationalisation apparente de ces déviances protestantes) et d’hystérie jacobine sur le mode français : ce sont les tenants de ces délires religieux et libéraux qui ont déclaré la guerre aux puissances qui souhaitent l’avènement d’un monde multipolaire. Aujourd’hui, ces déviances ont pour nom et pour avatar le wokisme des dems américains, le néolibéralisme outrancier à la Macron, le néoconservatisme de Nuland et Kagan et les délires des Verts allemands (rejeté à 85% par la population berlinoise suite à un sondage très récent). Cette situation ne convient à personne dans le Vieux Monde, eurasien et méditerranéen. La vie quotidienne, qui avait déjà été pourrie par les mesures de confinement en 2020, connait un recul inquiétant en qualité : les prix des denrées alimentaires ne cessent d’augmenter, en même temps que le prix de l’énergie et du carburant pour les véhicules. Les entreprises ferment, incapables de payer les notes de gaz et d’électricité. Le chauffage est diminué dans les cafés et restaurants, où les pauvres viennent chercher une chaleur qu’ils ne peuvent plus se payer à domicile. Le libéralisme occidental se voulait « société d’abondance » et non de pénurie. C’est exactement l’inverse qui se produit aujourd’hui dans nos pays.
Cependant, la propagande, massive dans les médias publics et privés, camoufle cette situation en occultant le réel et en parlant sans cesse de non-événements, tel les entretiens qu’accorde une ministre de Macron à la revue Playboy, telle la généralisation de l’usage de trottinettes dans les grandes villes ou la nécessité de manger des insectes. Les masses sont déboussolées et seuls quelques lucides se rendent compte que la situation ira en se dégradant au fil du temps. Les sanctions ont et auront un effet désastreux.
Qui, selon vous, est le plus intéressé par une résolution pacifique du conflit ukrainien ? La Russie, les États-Unis, l'Ukraine, l'Union européenne ? Pourquoi ?
Les pays intéressés par une solution pacifique sont évidemment ceux qui ont intérêt à ce que les voies de communication terrestres tel le projet « Belt & Road » chinois, l’INSTC prévu par l’Inde, l’Iran, l’Azerbaïdjan et la Russie, les Etats qui pourraient bénéficier d’un élargissement de la voie maritime arctique, tous les Etats européens qui bénéficiaient du gaz russe bon marché, etc. Il est évident que les peuples d’Ukraine, sans exception, auraient intérêt à ce que cesse cette guerre et que leur pays trouve son rôle de « gateway region », de pays de transit entre l’Europe et l’Asie profonde, entre la Scandinavie et la Méditerranée. L’Europe réelle, débarrassée de son personnel eurocratique, serait également bénéficiaire d’une paix durable en cette région du monde. L’Afrique (et l’Egypte) et la Turquie verraient leurs approvisionnements en maïs et en blé garantis sur le long terme.
Les Britanniques savent-ils pourquoi la Russie se bat en Ukraine ? Comprennent-ils que la guerre dure depuis 2014, que le non-respect par l'Ukraine des accords de Minsk et le soutien des principaux pays occidentaux à l'Ukraine pour qu'elle s'y conforme ont conduit à ce conflit ?
La stratégie de l’endiguement de la Russie est une vieille stratégie britannique, pensée dès la conquête de la Crimée par les armées de Catherine II. Elle se concrétisera lors de la guerre de Crimée de 1853 à 1856. La Crimée aux mains des Russes était un casus belli pour l’impérialisme britannique du 19ème siècle. Il l’est aujourd’hui pour l’Etat profond américain qui a repris toutes ces stratégies thalassocratiques à son compte et les a incluses dans les visions bellicistes néoconservatrices. La guerre de Crimée a été perdue pour les Russes parce que l’acheminement de troupes par voies terrestres était trop lent et trop compliqué : l’envoi de troupes par mer était plus rapide. La construction du Transsibérien rendait les opérations logistiques plus aisées : du coup, immédiatement après la mise en service de cette voie ferrée transeurasienne, le géographe MacKinder énonce sa théorie du Heartland inaccessible aux blocus navals et qu’il faut contenir aussi loin possible des littoraux atlantiques, indiens et pacifiques. Quelques années plus tard, Homer Lea, géopolitologue et stratège américain, partisan de l’alliance définitive entre l’Empire britannique et les Etats-Unis, met au point, dans son livre The Day of the Saxons, les plans du « containment », stipulant notamment que la zone d’influence russe ne peut pas dépasser la ligne Téhéran/Kaboul ; pour Lea, la Chine républicaine de Sun Ya Tsen devait être une partie du Rimland contrôlé par les « Saxons » et l’Allemagne devait être tenue éloignée des littoraux de la Mer du Nord (la poussant paradoxalement dans une alliance avec la Russie à la veille de la première guerre mondiale !). Ce sont toujours les théories de MacKinder et de Lea qui animent, en leurs versions modernisées par Spykman notamment, les stratégies de l’OTAN. Celles-ci s’appliquent à la Russie quel que soit le régime politique qui la gouverne. En ce sens, on peut parler d’une continuité de l’histoire russe.
Quant à savoir si les Britanniques de base, si l’homme de la rue dans les villes et les campagnes anglaises, se rendent compte ou non des enjeux de la guerre actuelle en Ukraine, je ne peux pas vous répondre : je ne suis plus allé à Londres depuis 2008 (et je n’y suis alors resté qu’un seul jour !). Cependant, il faut tout de même souligner la crise que traverse la Grande-Bretagne aujourd’hui, avec le risque de sécession de l’Ecosse, avec les effets quasi nuls du Brexit, avec une société gangrénée par le wokisme et la cancel culture (qui s’attaque aux meilleures productions de la culture et de la littérature anglaises), par un tissu social détruit par le thatchérisme et ses avatars ultérieurs, etc. Il n’y a certainement plus de modèle anglais à exporter.
Je vous rappelle tout de même que Merkel elle-même a avoué publiquement que personne, parmi les dirigeants occidentaux et parmi les Européens occidentalisés, n’avait l’intention de respecter les accords de Minsk, alors que ceux-ci prévoyaient la fédéralisation de l’Ukraine et son statut de neutralité, comparable à celui de la Finlande après la seconde guerre mondiale. Or les modalités prévues lors de ces accords de Minsk auraient préservé le statut de « gateway region » de l’Ukraine au bénéfice de tous, aurait permis au complexe hydrographique Mer d’Azov/Don/Volga de fonctionner dans tous les sens, une fois de plus au bénéfice de tous. C’est ce fonctionnement sans heurts que ne veulent pas les stratèges thalassocratiques conventionnels, le Deep State et les néoconservateurs bellicistes. Merkel et Hollande ont joué le rôle de figurants impuissants dans un scénario qui était dicté par ces forces négatives. Toute réédition potentielle de l’Axe informel Paris-Berlin-Moscoua été réduite à néant, une Axe où les dirigeants de la France et de l’Allemagne auraient eu leur mot à dire dans les affaires européennes et auraient pu agir dans les intérêts réels de leurs peuples.
Il n’est plus possible de raisonner dans les termes dictés par le contexte délétère de la seconde guerre mondiale, où l’on campe la Russie actuelle comme une URSS agressive prête à bondir sur l’Europe et une Europe condamnée à se défendre. La seconde guerre mondiale a prouvé l’unité géostratégique de tout l’espace sis entre l’Algarve portugaise et le quadrilatère de Magnitogorsk au sud de l’Oural. Elle a prouvé aussi la nécessité de l’artère stratégique entre l’Arctique et l’Iran. Toutes les forces positives, en Europe et en Russie, doivent s’unir pour faire fonctionner les corridors de communications (Rhin-Alpes, Rhin Danube, Baltique/Adriatique, Arctique/Caspienne, etc.) que la guerre actuelle bloque irrémédiablement et que toute réactivation des conflits dans le Caucase du Sud bloquerait encore davantage. Ces forces positives doivent faire converger leurs réalisations avec les projets chinois dits « Belt & Road Initiative ».
Une partie importante des forces armées ukrainiennes (AFU) adhère ouvertement aux idées nazies. Cela est évident à la fois dans leurs attributs et dans leur interprétation déformée de l'histoire et des résultats de la Seconde Guerre mondiale. Pourquoi l'Europe soutient-elle le régime nazi, contrairement à ses propres lois ?
Les allusions au nazisme en Ukraine laissent les observateurs lucides d’Europe occidentale pantois. Les anciens, qui ont vécu l’époque où le national-socialisme régnait sur l’Allemagne et sur les pays occupés par les armées de Hitler, n’ont tout de même pas le souvenir de ce folklore sinistre avec des torses masculins tatoués et une « musique » faite de fracas épouvantables. Les nazistes ukrainiens font penser aux Maras du Salvador en Amérique centrale, qui, eux aussi, furent manipulés par des forces extérieures au pays. Ce « nazisme » à Kiev est comparable à toutes ces formes de « contre-culture » nées dans les pays anglo-saxons depuis les années 1950. Dans les années 1980, et encore au début des années 1990, on trouvait en Europe occidentale une contre-culture malsaine, dite « skinhead », qui a décrédibilisé les mouvances nationales dans tous les pays où elle s’est manifestée. Les services secrets s’en servaient d’ailleurs pour cela, pour effrayer le citoyen normal, pour l’induire à ne pas voter pour de nouveaux partis (de gauche ou de droite). Aujourd’hui, cette « contre-culture » n’est plus nécessaire : les services peuvent manipuler plus adroitement les élections, en trafiquant le vote électronique ou en avançant des politiciens qui promettent un changement mais s’alignent sur le système, une fois élu (Sarkozy, Meloni). Cette « contre-culture » de violence verbale, de signes agressifs comme les tatouages de runes ou de croix gammées (ou d’autres chez les Maras salvadoriens), de musique cacophonique, est tolérée en Ukraine parce qu’elle a permis le recrutement de soldats dans la lutte contre les russophones du Donbass. Elle ne serait pas tolérée en Europe occidentale car assimilée, à tort ou à raison, à l’occupant allemand de la seconde guerre mondiale.
17:08 Publié dans Actualité, Affaires européennes, Entretiens, Géopolitique, Synergies européennes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : robert steuckers, entretien, géopolitique, russie, ukraine, europe, affaires européennes, politique internationale, synergies européennes | |
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lundi, 10 avril 2023
Pour les Verts, deux poids deux mesures : Habeck mise sur l'énergie nucléaire en Ukraine - et ferme des centrales nucléaires allemandes
Pour les Verts, deux poids deux mesures : Habeck mise sur l'énergie nucléaire en Ukraine - et ferme des centrales nucléaires allemandes
Source: https://zuerst.de/2023/04/10/gruene-doppelmoral-habeck-setzt-in-der-ukraine-auf-atomkraft-und-schaltet-deutsche-akws-ab/
Kiev. Lors de sa visite de solidarité en Ukraine, ce n'est pas la ministre fédérale des Affaires étrangères Baerbock qui a tiré sur plusieurs boucs émissaires, mais son collègue, issu du même parti, le ministre fédéral de l'Économie Robert Habeck (Verts).
En effet, alors qu'il veille à ce que les trois dernières centrales nucléaires allemandes soient fermées ce mois-ci malgré la crise énergétique et la pénurie de gaz, il mise d'autant plus ouvertement sur la poursuite de l'exploitation des centrales nucléaires locales à Kiev. Notez que les centrales nucléaires allemandes, y compris Isar 2 en Bavière (photo), sont parmi les plus sûres et les plus efficaces au monde, alors que l'Ukraine en guerre reste à la norme soviétique.
Après sa rencontre avec le ministre ukrainien de l'énergie, Herman Halouchtenko, M. Habeck a déclaré dans une interview au journal allemand Die Welt : "L'Ukraine s'en tiendra à l'énergie nucléaire. C'est tout à fait clair - et c'est très bien tant que ces centrales fonctionnent en toute sécurité. Elles ont été construites donc elles existent".
Peu préoccupé par la guerre, M. Habeck a également manifesté un intérêt touchant pour un approvisionnement énergétique ukrainien durable et respectueux du climat - la part des énergies renouvelables dans le mix électrique ukrainien devrait être portée à 50 % à l'avenir. L'Ukraine se qualifie pour cela dans la mesure où le pays dispose de grandes surfaces et bénéficie de plus d'heures d'ensoleillement que l'Allemagne au niveau régional.
L'Office fédéral allemand des statistiques en sait plus : selon lui, le mix énergétique ukrainien en 2022 était composé à environ 60% d'énergie nucléaire et à environ 26% d'électricité produite à partir de charbon. L'éolien, le solaire et l'hydraulique n'en représentent même pas 10 %. Dans ces conditions, il n'est pas certain que les Ukrainiens acceptent "l'invitation à la décarbonisation" lancée par Habeck.
Mais ce n'est pas aux Ukrainiens, mais à ses propres compatriotes que l'invité vert allemand a infligé un coup de massue peut-être encore plus contondant. En effet, M. Habeck a précisé que les investissements des entreprises allemandes en Ukraine étaient garantis par le gouvernement fédéral malgré la guerre. Il s'agit actuellement de onze projets en Ukraine avec 21 garanties d'investissement pour un total de 221 millions d'euros. Trois d'entre eux se sont ajoutés depuis le début de la guerre. Selon le ministère de M. Habeck, 21 demandes sont actuellement en cours. En d'autres termes, les entreprises allemandes peuvent aisément répercuter sur l'Etat allemand et, en fin de compte, sur le contribuable, les pertes et notamment les dommages de guerre qu'elles subissent sur les sites ukrainiens.
Ce modèle économique est particulièrement séduisant pour le groupe d'armement Rheinmetall - le fabricant de chars de Düsseldorf souhaite justement créer de toutes pièces en Ukraine une nouvelle usine de production pour son propre char de combat ultramoderne KF-51. Le Kremlin a déjà annoncé qu'il détruirait l'usine si nécessaire. Rheinmetall ne peut que profiter de cette situation : si l'usine de chars est pulvérisée par des missiles russes, c'est le contribuable allemand qui paiera. (he)
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19:29 Publié dans Actualité, Affaires européennes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : allemagne, ukraine, europe, affaires européennes, politique internationale, énergie nucléaire, centrales nucléaires, robert habeck, verts allemands, écologistes | |
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dimanche, 09 avril 2023
De la dédollarisation à la yuanisation et à la monnaie des BRICS : la multipolarité des monnaies
De la dédollarisation à la yuanisation et à la monnaie des BRICS : la multipolarité des monnaies
Par Alfredo Jalife Rahme
Source: https://noticiasholisticas.com.ar/de-la-desdolarizacion-a...
La dédollarisation est irréversible. Seuls sa vitesse et son calendrier posent question, alors que l'anglosphère prétend la faire traîner en longueur, tandis que le Sud s'est lancé vertigineusement dans l'adoption de la yuanisation et de la monnaie des BRICS.
Cyrus Janssen explique que "la Chine va vite ! Après avoir négocié le plus grand accord de paix au Moyen-Orient, elle accueille maintenant l'Arabie saoudite (AS) dans son alliance commerciale. Cette annonce a été faite quelques instants après que la Chine a conclu sa première transaction de GNL en renminbi avec les Émirats arabes unis (EAU). Les temps changent !" (https://bit.ly/3nzSala ).
Watcher.guru affirme que "AS a un partenariat commercial avec la Chine, la Russie, l'Inde, le Pakistan et quatre pays d'Asie centrale (http://bit.ly/42YbQzu )".
L'ambassade de Russie au Kenya a publié que "la Russie et l'Inde cherchent à briser le monopole du dollar et à dominer le marché eurasien. Un forum organisé à New Delhi a mis l'accent sur les principaux liens commerciaux à la veille du Forum économique international de Saint-Pétersbourg (https://bit.ly/40SqAOi )".
Le président kenyan William Ruto a encouragé ses concitoyens à se séparer de leurs dollars (https://bit.ly/3lVTm1M ). Le Kenya a souffert d'une pénurie de dollars en raison de la dévaluation de sa monnaie, le shilling, qui a engendré une forte inflation, tandis que la Bolivie subit également les ravages d'une sécheresse de dollars en raison des importations d'hydrocarbures qu'elle paie avec des billets verts. C'est peut-être l'occasion pour la Bolivie de se débarrasser des chaînes de la dollarisation et d'adopter le yuan et/ou la roupie indienne et/ou la monnaie des Brics.
Bloomberg rapporte que "l'Inde proposera sa monnaie comme alternative pour commercer avec les pays confrontés à des pénuries de dollars (http://bit.ly/40OSsTF )".
Sharmine Narwani affirme : "TREMENDOUS : it's the most important global development in years. Si les pays de l'ANASE abandonnent le dollar pour leurs monnaies locales, le dollar est mort" (https://bit.ly/3K0TUvh ).
@runews commente que "les BRICS, l'AS, la Biélorussie et l'Iran développent une nouvelle monnaie" (https://bit.ly/3nEaSbc ).
Les 10 pays de l'ANASE (Asie du Sud-Est) discutent de l'abandon du dollar et de l'euro dans leurs échanges commerciaux et leur principale puissance géoéconomique, l'Indonésie (17ème au classement mondial du PIB), invite ses partenaires régionaux à ne plus utiliser les cartes de crédit Visa et MasterCard "pour éviter les répercussions des sanctions occidentales à l'encontre de la Russie" (http://bit.ly/3ZtAvsB ).
The Cradle affirme que "les pays du BRICS travaillent fondamentalement sur une nouvelle monnaie : la monnaie officielle russe". (https://bit.ly/3Km0rCi )
L'analyste cité David Goldman affirme que "le désordre bancaire américain annonce la fin du système de réserve du dollar" car "la crise bancaire n'est pas un problème de qualité du crédit, mais découle de la tâche désormais impossible de financer la dette extérieure américaine qui ne cesse de croître" (http://bit.ly/3zG9SXb ).
Le Global Times chinois prévoit que "la dédollarisation est inévitable à mesure que l'utilisation d'autres monnaies s'accélère", comme cela vient d'être le cas avec l'accord conclu entre la Chine et le Brésil pour commercer dans leurs propres monnaies lorsque leurs échanges bilatéraux dépassent 150 milliards de dollars (http://bit.ly/3nCVP1J ).
Même la France a participé à un accord triangulé avec les Émirats arabes unis pour l'achat de gaz naturel liquéfié (GNL) avec la Chine en yuans (http://bit.ly/40LFiXo ).
Gillian Tett du Financial Times appelle à "se préparer à un monde multipolaire de monnaies" alors que "le dollar américain domine toujours les marchés de la dette, mais certaines données de niche suggèrent que les choses pourraient être en train de se retourner" (http://bit.ly/42UMKS0 ).
Par ailleurs, il y a 14 ans, j'affirmais que "le monde tend vers la multipolarité et la régionalisation des monnaies" (http://bit.ly/3ZyPx0n ). J'ai également proposé la monnaie des Brics (http://bit.ly/3zjVWlo ), qui est aujourd'hui sur le point d'être réalisée pour remplacer le dollar (http://bit.ly/3KonBry ). "CQFD.
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49-3 soutiens
49-3 soutiens
par Georges FELTIN-TRACOL
À l’occasion de la calamiteuse réforme des retraites traitée dans l’excellente émission n°25 de L’Écho des Canuts mise en ligne sur Radio Méridien Zéro le 11 février 2023, l’Hexagone retombe dans une série de secousses collectives, de transes politiciennes et de spasmes sociaux dont il a le secret. On assiste à une pitoyable tragicomédie au scénario bouffon dans lequel des lycéens, par ailleurs grévistes du vendredi pour le climat, brûlent volontiers palettes et poubelles sans se soucier du bilan carbone défavorable qu’ils provoquent.
Outre le report de 62 à 64 ans de l’âge du départ de la vie active, les protestations concernent l’usage de l’article 49 alinéa 3 de la Constitution. Cette crise adulescente qui s’apparente à une éruption urticante spontanée n’est pas nouvelle. La loi El Khomri sur le travail en 2016 avait déjà suscité un mécontentement semblable.
Les principaux contempteurs du 49-3 se trouvent dans les rangs de la gauche radicale. Ils rêvent du grand soir et ont la nostalgie du régime d’assemblée de la Convention nationale en 1793… Dans un pays où les six candidats de gauche (Jean-Luc Mélenchon, Yannick Jadot, Fabien Roussel, Anne Hidalgo, Philippe Poutou et Nathalie Arthaud) recueillent un total de 11.225.271 suffrages à l’élection présidentielle de l’an passé, il n’est pas illogique que deux à trois millions de Français affichent leur hostilité à cette loi. La forte contestation relevée dans la « France périphérique » montre aussi que cette stupide réforme cristallise une vive colère qui la transcende. Certains évoquent une continuité conflictuelle par-delà l’entracte covidesque – et peut-être à cause de lui – entre ces grandes mobilisations, les « Bonnets rouges » bretons de 2013 et les « Gilets jaunes » de 2018 – 2019.
Bien des critiques proclament que le 49-3 serait anti-démocratique. Opinion grotesque ! Cette disposition inscrite dès l’origine dans la Constitution appartient à ce que les constitutionnalistes qualifient de « parlementarisme rationalisé ». Ses autres outils sont le 44-3 (pour le vote bloqué) et le 47-1 (la procédure d’accélération des débats législatifs dans le cadre des projets de loi des finances). Avant la funeste révision de 2008, le gouvernement bénéficiait de l’article 48, lui assurant la seule maîtrise de l’ordre du jour au Parlement. Le 49-3 correspond à la procédure habituelle en régime parlementaire de la question de confiance. Le gouvernement pose sa responsabilité sur un texte précis pour obtenir de l’Assemblée nationale un vote qu’il juge indispensable pour la poursuite de sa politique. Dans l’esprit des rédacteurs de la Constitution de la Ve République, Michel Debré en particulier, le 49-3 est une façon inédite de renforcer la stabilité du gouvernement, de discipliner une majorité parfois réticente et d’arrêter les manœuvres dilatoires de l’opposition.
Suite à une délibération du Conseil des ministres, le Premier ministre engage son maintien à propos d’un texte législatif. L’opposition peut alors déposer une motion de censure. Si elle n’est pas déposée ou si elle n’obtient pas la majorité absolue des inscrits, le gouvernement estime mériter la confiance des élus; il reste en fonction et le texte est entériné. Si la motion de censure est adoptée, le texte est rejeté et le gouvernement renversé; le Premier ministre doit alors présenter sa démission et celle de son équipe ministérielle au président de la République qui peut alors dissoudre l’Assemblée nationale, mais cette option n’est pas obligatoire.
La philosophie du 49-3 est limpide. Elle applique l’adage « Qui n’est pas contre moi est pour moi ». En effet, en s’abstenant, le député approuve in fine le texte et donc l’action du gouvernement. Le 20 mars dernier, il a manqué neuf voix pour entraîner la chute du gouvernement Borne. Parmi ce déficit de neuf voix, signalons les députés LR et la députée non-inscrite de l’Hérault, Emmanuelle Ménard, chroniqueuse au mensuel Causeur, et représentant avec son mari, l’édile de Béziers, d’un macronisme d’extrême droite.
L’article 49-3 si décrié se coule dans le strict mécanisme parlementaire qui laisse à l’Assemblée nationale la liberté de censurer le gouvernement sans toutefois susciter des majorités négatives de circonstance ou des alliances contre-nature. Cette procédure institutionnelle se rapproche en partie de la motion de censure constructive prévue dans la Loi fondamentale allemande de 1949 qui contraint les éventuels censeurs à s’accorder autour d’une personnalité susceptible de remplacer le chancelier en fonction.
La révision constitutionnelle du 28 juillet 2008 voulue par Nicolas Sarközy en a fortement réduit l’usage. Le 49-3 n’est maintenant possible que pour les lois de finance (le budget), les lois de financement de la Sécurité sociale et un seul projet de loi par session parlementaire. On ne peut que déplorer cet amoindrissement.
Avec le projet de loi sur les retraites, le gouvernement recourt pour la centième fois au 49-3 depuis 1958. En dix mois, Élisabeth Borne l’a employé onze fois. Le socialiste Michel Rocard, entre 1988 et 1991, conserve encore le record avec vingt-huit utilisations consécutives. Ses successeurs immédiats, Édith Cresson (1991 – 1992) et Pierre Bérégovoy (1992 – 1993), l’ont utilisé respectivement huit et trois fois. L’Assemblée nationale élue en juin 1988 après une dissolution souhaitée par un François Mitterrand réélu ne donna qu’une majorité relative aux socialistes. Matignon dut composer pendant cinq ans entre les groupes communiste et centriste. À cette époque, le sénateur socialiste de l’Essonne de 1986 à 2000 et fervent mitterrandolâtre, Jean-Luc Mélenchon, approuvait son usage répété.
Le premier Premier ministre de la Ve République, Michel Debré (1958 – 1962), l’utilisa à quatre reprises. Les gaullistes n’avaient qu’une majorité relative. Plus tard, entre 1976 et 1981, le centriste Raymond Barre l’utilisa huit fois. Il lui fallait contenir l’animosité d’une partie de sa majorité, les députés chiraquiens du RPR, contre son gouvernement lié à Valéry Giscard d’Estaing. Malgré une large majorité à l’Assemblée, le socialiste Pierre Mauroy s’en servit à sept reprises. La première fois fut pour la loi d’amnistie des partisans de l’Algérie française exigée en 1982 par François Mitterrand lui-même en dépit des nombreuses réticences d’élus PS.
Il faut remarquer que des Premiers ministres n’y ont jamais eu recours. Jean Castex (2020 – 2022), mais aussi Maurice Couve de Murville (1968 – 1969), Jacques Chaban-Delmas (1969 – 1972), Pierre Messmer (1972 – 1974), Jacques Chirac (1974 – 1976), Lionel Jospin (1997 – 2002) bien que les socialistes fussent minoritaires au sein de la « gauche plurielle », François Fillon (2007 – 2012) et Bernard Cazeneuve (2016 – 2017). En moins de cinq mois, ce dernier a toutefois pris de nombreuses ordonnances, permettant le contournement du pouvoir législatif sans que cela n’offusque personne…
Le 49-3 contribue enfin à la réalisation de la « démocratie agonistique » théorisée par Chantal Mouffe. Pour la philosophe belge, porte-parole d’un populisme de gauche bien mal en point, il est contre-productif de rechercher le compromis et de travailler à un éventuel consensus. Le 49-3 empêche toutes ces turpitudes politiciennes. Il antagonise au contraire la société politique. Vouloir ainsi abolir le 49-3 serait une grave faute constitutionnelle. Ce moyen institutionnel a montré toute sa pertinence, même à mauvais escient.
GF-T
- « Vigie d’un monde en ébullition », n° 68, mise en ligne le 4 avril 2023 sur Radio Méridien Zéro.
15:27 Publié dans Actualité, Affaires européennes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, france, europe, affaires européennes, politique internationale, 49-3 | |
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